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jeudi 10 avril 2014

Avis de tempête !



Encore et toujours Artus avec 3 gros morceaux de la SF sixties :
- La Russie avec La Planète des tempêtes et ses créatures géantes,
- L'Italie s'illustre avec deux films : un Mario Bava très étonnant avec des jolies combis latex, La Planète des vampires, mais aussi l'un des plus beaux films d'Antonio Margheriti, La Planète des hommes perdus dans lequel Claude Rains campe un scientifique fou mais bouleversant... 

Comme d'hab', on en reparle après visionnage !

samedi 1 mars 2014

Ce Django-là...


Et voici quatre titres de plus pour les inconditionnels du genre. Artus livre sa fournée hivernale de westerns italiens qui devrait être en rayons (pour peu qu'il reste des magasins avec des rayons quelque part...) quand vous lirez ces lignes, et rend ainsi un hommage bienvenu à Gianni Garko qui figure en vedette au générique de ce carré d'as. L'acteur reste un peu ignoré chez nous, malgré 50 ans de carrière, quelques 100 rôles au compteur et un passage remarquable dans le genre, notamment avec Le Temps des Vautours, suite pas franchement officielle à Django qui n'a rien à envier au film-étalon de Sergio Corbucci.

 
De façon très surprenante, Le Temps des vautours (10 000 dollars pour un massacre si l'on traduit le titre italien) commence à la mer. Django est étendu sur le sable, au soleil. Il se relève et prononce cette phrase d'un air rêveur "Ah, la mer...Quelle belle chose que la mer, mon ami !". Puis il se retourne et l'on découvre qu'il s'adresse à un mort. Django est chasseur de primes et le cadavre est sa proie...
Ce début fracassant donne le ton faussement léger d'un film qui part du grand ciel bleu pour aller vers les tendances les plus troubles, les plus sombres de son personnage. Django a une Némésis, un ennemi juré que le destin l'oblige à croiser dès le début du film et qu'il retrouvera forcément sur son chemin aux moments-clés. Manuel : un bandit mexicain qui enlève la fille d'un riche propriétaire et voit sa côte grimper inexorablement auprès des chasseurs de primes, il est surtout celui qui poussera Django à négliger la femme qui l'aime, commettant alors une faute irréparable...

Pour autant La Proie des vautours n'est pas un western existentialiste à la Monte Hellman. Le rythme est enlevé, l'humour omniprésent et il contient tous les éléments du genre : rivalité, trahisons en tous genres, vengeance, saloon remplie de femmes et de poivrots, partie de poker, beuverie nocturne, bagarres rabelaisiennes, torture sadique sous le soleil implacable et, bien sûr, affrontement final. Mais le scénario, construit avec un sens de la progression et quelques finesses remarquables, est parfaitement servi par une mise en scène constamment inventive. Les séquences mémorables ne manquent pas, entre la danse hystérique d'une grosse femme ivre, la bagarre qui se termine dans le crottin de cheval, ou cette image du cow-boy qui pleure, si rare, si surprenante et si audacieuse, qu'on se demande pourquoi elle n'est pas plus connue dans l'histoire du cinéma.

Claudio Camaso (à droite) : le même regard de fou que son frère, Gian Maria Volonte
Romolo Guerrieri n'a pas fait beaucoup de westerns et sa carrière de réalisateur compte une petite vingtaine de films. Mais ce Django-là, s'il a peu de point commun avec le premier (hormis la figure du chasseur de prime et la belle Loredana Nusciak dans un rôle décisif), tient une place à part dans le genre, ne serait-ce que pour les trajectoires inattendues de ses personnages principaux.
Le DVD :
Rien à dire, le master rend grâce à la photo de Federico Zanni, et surtout à la superbe bande originale de Nora Orlandi, l'une des deux seules femmes à avoir composé pour le western italien. Si l'on peut parfois préférer la v.f. à des versions originales pas toujours bien post-synchronisées ni cohérentes (Clint Eastwood doublé en italien dans Pour une poignée de dollars !!!) la version italienne est ici impeccable. 
Côté bonus, c'est le retour de Curd Ridel qui officie sur les 4 DVD (avec, forcément, des impasses sur certaines infos pour éviter les redites d'un disque à l'autre). Mais on a droit aussi à un entretien parallèle de Romolo Gueririeri et Gianni Garko qui, malgré une certaine retenue, livrent quelques anecdotes pertinentes pour éclairer cet âge d'or révolu.

samedi 15 février 2014

Les miroirs de Jess


La nouvelle livrée d'Artus Films ne fera que conforter les détracteurs de Jess Franco
Même au meilleur de sa forme, au plus près de son inspiration, il reste ce réalisateur à la caméra instable, méprisant les raccords classiques, adepte du montage moelleux, voire langoureux. On imagine bien les écoles de cinéma l'utiliser comme un mauvais exemple, sans chercher à y voir la marque de ce qu'on appellerait ailleurs un style. 
Pourtant, à travers trois exemples de films au départ très différents (un érotique, un espionnage "pop" et un projet plus intimiste aux frontières du fantastique) le réalisateur ne cesse de creuser son sillon, improvisant sur des thèmes imposés, éclusés, en bon jazzman du cinéma qu'il est.


S'il peut sembler évident de voir Jess Franco s'emparer des écrits du Marquis de Sade, Les Inassouvies est un peu décevant. La Philosophie dans le boudoir a beau contenir le schéma élémentaire d'une partie de sa filmographie (un couple éduque/pervertit une vierge innocente), on lui préférera par exemple aisément La Comtesse perverse voire Plaisir à trois, (tous deux déjà parus chez Artus), le réalisateur semblant paradoxalement manquer d'inspiration, notamment dans les scènes censées être les plus chaudes. Malgré ses séquences d'orgies vaguement sataniques, ou le fouet et les mises à mort vont bon train, on ne frissonne guère que lors des apparitions de Christopher Lee qui déclame du Sade en anglais avec une classe inaltérable...


La surprise est au rendez-vous en revanche avec Sumuru, la cité sans hommes qui lorgne joyeusement du côté des fumetti (le film sort un an après Danger : Diabolik !) et s'illustre comme un petit manuel du cinéma d'exploitation. Jess Franco utilise avec un bonheur visible les décors naturels brésiliens, intégrant un folklore bon enfant (le carnaval, les masques...) tout en se déchainant sur un autre de ses fantasmes récurrent : l'île aux femmes.

 La vénéneuse Sumuru, à la tête d'une armée d'amazones bottées mais court vêtues, fait ici face à un héros un peu fade mais aussi à un troisième personnage : une crapule maniérée, un grigou à la fois sadique et choqué par la violence, incarné avec une dérision ostensible par un George Sanders en fin de carrière, mais pas encore à bout de souffle.
Le téléphone rose, version 69
Ce n'est pas la moindre surprise de cette production inhabituellement riche dans la carrière de Jess Franco qui, comme à son habitude laisse régulièrement l'intrigue s'évaporer pour s'attarder sur les cadres et les corps. Les scènes d'action sont ainsi tout sauf violentes, le sadisme et les frictions s'exprimant plus facilement par les zooms et les angles audacieux que par le jeu et les pirouettes des acteurs.


 Le gros morceau de cette triplette est sans conteste Le Miroir Obscène, proposé ici dans une "édition collector" vraiment digne d’intérêt qui permet d'éclairer une partie du mystère Franco. En 73, le réalisateur a enfin la possibilité de réaliser ce projet qui lui tient à cœur depuis longtemps. Le Miroir obscène est apparemment issu d'un travail antérieur avec Jean-Claude Carrière, ce que semble confirmer le récit et l'atmosphère du film qui rappellent immanquablement l'univers que le scénariste a développé avec Luis Bunuel.Un père strict et fou de sa fille, Anna, ne supporte pas l'idée qu'elle se marie et se pend dans sa demeure. La jeune fille quitte alors l'île sur laquelle ils vivaient isolés pour mener une existence urbaine et diluée de pianiste de jazz. Dès lors, quand un homme la convoite de trop près, elle est systématiquement assaillie de visions meurtrières renvoyées par un miroir...
Si pour une fois on sacrifie au récit détaillé de l'intrigue, c'est que celle-ci inspire à Jess Franco un film étrange et dérangeant, où se mêlent inceste, fascination morbide et expérimentations diverses, à ranger parmi ses œuvres les plus audacieuses, pas très loin du mythique et mystique Vampyros Lesbos. Étirant les scènes à leur extrême limite (notamment une séquence musicale de 5 minutes où la caméra se promène sur les musiciens en jam session, sans jamais se soucier des raccords son/image), visiblement fasciné par le visage de son actrice principale et revenant sans cesse au masque grotesque du père suicidé à la langue pendante, Jess Franco instaure un climat fantastique et cauchemardesque, pourtant illuminé  par le soleil de Madère et le regard vert d'Emma Cohen. 


Ce labyrinthe des passions déjà vertigineux prend une dimension supplémentaire avec la version "française" du film, imposée par le producteur Robert de Nesle qui trouvait l'originale espagnole pas assez sexy et certainement trop expérimentale. En quelques jours de tournage, le réalisateur rajoute des scènes limite hard et détourne le scénario : Anna s'appelle désormais Annette et c'est sa sœur qui s'est donnée la mort. Le film perd pas mal en cohérence, surtout visuellement, mais se transforme miraculeusement en film de cul tout en gardant la patte de son auteur. Un cas d'école dans l'histoire tortueuse du cinéma d'exploitation dont cette édition DVD éclaire les règles : la capacité du réalisateur à s'acquitter de n'importe quelle contrainte en un temps records lui permettant en contrepartie de multiplier les projets et tenter tout ce qui lui passe par la tête.
Tant mieux au fond, si ce cinéma-là reste incompatible avec la cinéphilie classique. Ni mainstream, ni recommandable, il porte la marque des authentiques subversifs : Jess Franco est... Irrécupérable.

Les DVD :
Le Miroir obscène : intimiste et ambitieux
Les copies sont très bonnes, surtout vues à l'aune d'une production dont la préservation n'a jamais été sérieusement envisagée. Ainsi, Sumuru semble bizarrement retaillé sur le bas de l'image sans qu'on puisse savoir à quel moment ce recadrage a pu arriver. Ce détail mis à part, on découvre des version très propres, respectant les photos plutôt soignées des trois films.

Côté Bonus, outre la double version du Miroir évoquée plus haut, on retrouve par deux fois l'infatigable Alain Petit qui livre quelques infos essentielles pour remettre les films dans leur contexte, éclairant au passage les rapports particuliers entre Jess Franco et ses producteurs.
Quant au supplément de Sumuru, il est confié à Jean-François Rauger à qui l'on doit l'intronisation du réalisateur à la Cinémathèque Française. Son regard sur le travail du stakhanoviste espagnol est enthousiaste et passionnant.
Une courte interview du réalisateur disparu voici presque un an ajoute un supplément d'émotion à ce brelan de DVD dont l'amateur de cinéma bis se passera difficilement.  

dimanche 29 septembre 2013

Héros torturés et salauds magnifiques




Trois de plus ! En septembre, nos amis d'Artus ont balancé Killer Kid, Les Colts de la violence et Bandidos dans les meilleures crèmeries. Trois westerns italiens de la période 66-67, considérée comme l'apogée du genre dans la bible de Jean-François Giré, Il était une fois le western européen, qui consacre une pleine page au Colts de la violence, mais se contente de résumer les deux autres.
Qu'il me soit permis ici d'inverser la tendance, pas tant par esprit de contradiction que par gout personnel. 

Car si effectivement Mille Dollari Sul Nero (si, si, c'est le titre original des Colts de la violence...) semble sur le papier diablement alléchant, il peut s’avérer avec le recul légèrement surestimé. 
Un homme revient chez lui après 12 années passées en prison pour un crime dont il est innocent. Son jeune frère, mégalomane, psychopathe, échevelé, lui a piqué sa compagne et dirige une bande de crapules sans foi ni loi avec qui il viole, tue, et s'empare de tout ce qui passe à sa portée... 
Avec sa rivalité fratricide, attisée par une mère fascinée par la violence de son cadet, ses décors baroques et ses jaillissements de cruauté, le western prend des accents shakespeariens, malheureusement affaiblis par un découpage et un montage bâclés, particulièrement flagrant dans les scènes de fusillades où les armes semblent tirer un peu au hasard, où les victimes tombent sans avoir été visées, dans la confusion la plus totale. 
Malgré ce bordel ambiant et quelques baisses de régimes, Les Colts de la Violence recèle pas mal d'atout, notamment la révélation de Gianni Garko dans le rôle de Sartana, le frère fou furieux, nettement plus charismatique qu'Anthonny Steffen qui tente l'attitude à la Eastwood (la bouche fermée et le regard qui tue) mais reste un peu trop lisse.

Les plus belles séquences du film sont dues aux femmes : celle de la mère décidant de descendre dans la rue arrêter le massacre, et surtout celle de la femme abandonnée par les deux frères dans le temple inca qui servait de repère aux pillards. Deux moments insolites, presque fantastiques, qui à eux seuls méritent la découverte.


On retrouve Anthony Steffen dans Killer Kid où il continue à se prendre pour Eastwood, mais dans un rôle plus ambigu encore, entre cynisme et duplicité, au milieu d'une révolution mexicaine annoncée dès le carton du générique qui donne le ton : on est dans le western zapatta ! 
Ne nous y trompons pas cependant, si le film a quelques résonances avec le chef d’œuvre de Damiano Damiani, El Chuncho, le ton est ici plus léger et surtout plus binaire. La corruption et les dérapages de la révolution sont certes présents, mais ils servent avant tout d'éléments déclencheurs du scénario, qui tourne essentiellement autour de la valse hésitation de son héros.
Pour alimenter ses réflexions et son trouble : un vieux révolutionnaire rebuté par la violence, un gros mexicain partagé entre l'idéal révolutionnaire et le profit, et une femme qui jouera un rôle essentiel dans les atermoiements de celui qu'on appelle Killer Kid. C'est sur ces quatre personnages que va se jouer toute la dynamique du film, chacun d'eux étant pétri de contradictions et d'hésitations, entre l'idéal et le désir, l'altruisme et l’intérêt personnel. 
Sous son apparente simplicité et malgré son ambiance lumineuse, Killer Kid développe en fait une vision plutôt pessimiste de l'humanité, entérinée par un plan final sans appel. 



Pas franchement plus optimiste, Bandidos délaisse l'aspect politique du western zappata pour se ranger dans la catégorie plus élémentaire du film de vengeance : Richard Martin, un tireur d'exception blessé et humilié par un bandit, Billy Kane, va former un jeune tireur rencontré par hasard, afin qu'un jour il aille abattre son rival...
Sur ce schéma simple et classique, Bandidos va en fait entrecroiser les destins de personnages qui échappent à la caricature. Le jeune élève (interprété par un Terry Jenkins pas forcément plus doué que Steffen mais nettement plus sobre) garde tout au long du film une aura de mystère autour de ses véritables intentions. On a beau le sentir du bon côté de la crosse, on a l'impression qu'il peut retourner sa veste à tout instant...
Mais c'est surtout la figure de Richard Martin, qui passe du statut de tireur d'élite à celui de camelot pouilleux, qui amène au film une dimension pathétique inédite. Sa douloureuse déchéance, portée par le grand acteur italien Enrico Maria Salerno, sert de fil rouge à une intrigue ténue mais rondement menée. Et surtout magistralement réalisée.


Pas étonnant quand on sait que Massimo Dalamano est aux commandes, l'homme de Mais qu'avez-vous fait à Solange ? et La Lame infernale (sorti récemment, on vous en a parlé ), et, avant ça, chef op' sur les deux premiers westerns de Sergio Leone
Bandidos est sa première réalisation de fiction et le moins qu'on puisse dire est qu'il maîtrise son affaire. C'est rythmé, ça respire, il n'y a pas un plan moche, et on a droit à quelques séquences grandioses. On retient un travelling à couper le souffle sur les restes d'une attaque de train qui a viré au carnage, et le superbe duel final, qui prend le contrepied des montées de tension statiques de Sergio Leone  : tout en mouvement et en trompe-l’œil.

Avec son casting fellinien (on y voit une collection de trognes pas piquée des hannetons), son beau générique de début et sa partition au cordeau signée Eggisto Machi (dont c'est pourtant la seule intrusion dans le western), Bandidos fait certainement partie des trésors cachés du genre.
Un western à la fois sombre et jouissif qui mérite plusieurs visions.

Les DVD :
Rien à dire côté masters : les copies sont de très bonne qualité, ce qui est d'autant plus appréciable qu'elles bénéficient tous d'une photo très soignée.
Tous les dvd proposent version originale sous-titrée et version française d'origine,ce qui, dans le cas du western italien est loin d'être négligeable : pour cause de castings internationaux et de postsynchronisation, la version française est souvent meilleure que l'italienne. Il faut ajouter à cela l'effet nostalgique des voix françaises sur tous ceux qui ont découvert ces films à leur sortie, ce type de production ayant eu uniquement droit à la v.f..
Côté bonus, outre les impayables bandes-annonces d'époque et les diaporamas, on retrouve avec plaisir l'enthousiaste Curd Ridel qui connaît son sujet sur le bout des doigts. Il décline sur chacun des disques les carrières des réalisateurs et surtout des acteurs, n'hésitant pas à s'attarder sur certains d'entre eux plus longtemps qu'ils n'apparaissent dans le film. Ce petit côté catalogue ne va pas sans quelques répétitions et aurait supporté une ou deux coupes, mais les bonus fourmillent d'anecdotes et d’apartés amusants et instructifs sur les carrières et les vies des comédiens.

Et puis, non content de replonger dans sa collection de photo-romans tirés des films en question, Curd Ridel évoque au détour d'une bio  l'actrice Nadia Cassini, qui s'affiche particulièrement accorte en couverture du Playboy italien.
Enfin, il convient de bien regarder le bonus des Colts de la violence jusqu'au bout pour profiter d'une petite surprise qui ravira les véritables amoureux du western italien.

          

jeudi 15 août 2013

Salades d'automates


Découvrir la saga Puppet Master après coup est une expérience troublante.
Adoptée massivement par une génération nourrie aux vidéo-clubs de quartier au tournant des années 80/90, la franchise produite par Charles Band (le "Roger Corman des années 90") voit ses trois premiers épisodes débarquer enfin en édition française chez Artus. C'est l'occasion pour ceux qui, comme moi, sont passés à côté, de combler une lacune et, peut-être aussi, de prendre conscience de la bascule définitive qui s'opère à la fin des années 80 pour un certain cinéma de genre.
 
Charles Band officie depuis les années 70 dans la production cinématographique, et le moins qu'on puisse dire et qu'il ne vise pas les sélections cannoises. Fantastique, SF et érotisme irriguent une filmographie dont surnagent peu de titres jusqu'en 1985, année où Charles Band produit coup sur coup Future Cop qui deviendra lui aussi l'objet d'un petit culte chez les mangeurs de VHS, et Re-Animator de Stuart Gordon, relecture de Frankenstein et pierre angulaire du gore dont le mélange comico-sanglant reste aujourd'hui d'une rare efficacité.
Mais ce sont deux autres de ses productions qui constituent la matrice de Puppet Master : d'un côté Tourist Trap, second film signé en 79 par un réalisateur fétichiste, ironique et pas très sain nommé David Schmoeller, et Dolls, du réalisateur de Re-Animator, qui conforte Charles Band dans l'idée que les petits jouets malfaisants sont rentables.
Il engage donc David Schmoeller pour mettre en images un scénario dans la lignée de Dolls. Même si Charles Band revendique depuis toujours la paternité de la saga, il semble bien que Schmoeller ait quelques responsabilités dans la naissance du concept Puppet Master. A savoir des marionnettes autonomes, pour ne pas dire vivantes, animées de pulsions meurtrières et vengeresses, dont on comprendra les origines et les motivations au fur et à mesure des épisodes de la saga.



Car, paradoxalement, le film fondateur de 1989, tourné pour le cinéma et sorti finalement directement en vidéo au nom d'un réalisme commercial très inspiré, est certainement le plus faible de cette première trilogie. Il n'est d'ailleurs pas certain que l'immense succès en réseau de vente et location aurait connu un équivalent en salle.
Ce premier opus est assez bavard, manque cruellement d'action, et souffre surtout d'une interprétation mollassonne dans la plupart des rôles principaux. C'est d'autant plus regrettable qu'on se faisait une joie de retrouver, dans le rôle du gentil "beau gosse" qui sert de héros au film , Paul Le Mat, l'homme qui conduit le coupé Ford jaune dans American Graffiti : certes, il garde une certaine allure malgré quelques kilos et années supplémentaires, mais s'avère aussi expressif et émouvant qu'un concombre au yahourt... A l'inverse, Irene Miracle, plongeuse en eaux troubles dans Inferno de Dario Argento, en fait des caisses dans son rôle d'extra-lucide légèrement portée sur la bouteille, ce qui, a tout prendre, met un peu d'animation dans l'équipe d'amateurs de phénomènes paranormaux regroupés dans l'hôtel de Bodega Bay où sévissent les marionnettes.
Paul Le Mat, avec cravate mais sans sa Ford...
Ni les quelques "plans nichons" obligatoires, ni les marionnettes psychopathes (frôlant souvent le ridicule) ne sauvent un film qui a sacrément mal vieilli. Malgré la belle séquence de la "pièce blanche" dont est extraite la photo en tête de cet article, ce premier volet ne donne qu'une envie : revoir Tourist Trap pour vérifier qu'il s'agit bien du même David Schmoeller derrière la caméra.



Ça s'améliore nettement avec le second opus, construit pourtant sur un schéma similaire au premier (cette fois, les télépathes et extra-lucides sont remplacés par des agents du gouvernement spécialisés dans le paranormal, deux ans avant X-Files...), mais qui répare à peu près toutes les erreurs de son prédécesseur.

Entre le docteur Frankenstein et L'homme invisible : André Toulon
Si le casting reste encore un peu approximatif, ça n'a plus guère d'importance : les marionnettes prennent la vedette ! L'animation et les trucages sont mieux gérés (le réalisateur de ce second opus est le responsable effets spéciaux du premier), les séquences de meurtre sont plus originales et plus abouties, le rythme plus enlevé... Le scénario est encore un peu bâclé, mais la bonne idée est de ressusciter André Toulon, créateur des marionnettes qu'on voyait mourir abattu par les nazis au début du premier opus. Ce n'est pas seulement son attitude, clairement inspirée par L'homme invisible de James Whale (un mélange de méchanceté paranoïaque et de sentiments pathétiques), qui relève le film. Sa présence spectrale et son rapport affectif à ses créatures apportent une cohérence à ce mélange ludique et horrifique qui fait tout le sel de la saga. Puppet Master II s'affirme ainsi comme un bon produit DTV, typique de cette période où la distribution cinématographique ne laisse plus guère de place en salle pour les productions fauchées du cinéma d'exploitation.

L'inévitable "plan nichons" : ici Charlie Spradling
Dans la lignée de ce deuxième succès, Charles Band monte à toute vitesse Puppet Master III en convoquant celui qui ne tarderait pas à devenir le pape de l'horreur homo-érotique, David DeCoteau. Bien lui en a pris : le réalisateur de Creepozoids réussit à merveille cet épisode rétrospectif qui montre comment André Toulon, rendu veuf par les débordements criminels de la Gestapo, transformera ses marionnettes nourricières en armada sanglante. Une reconstitution sommaire mais efficace de l'Allemagne nazie, un scénario enfin soigné et parfaitement cohérent (même s'il nourrit quelques contradictions avec les volets précédents) et, surtout, une interprétation crédible au service de personnages nettement plus étoffés font de La Revanche de Toulon une réussite totale. Le spectateur, plus ou moins familiarisé avec les marionnettes, découvre les origines de certaines d'entre elles, notamment Blade, l'automate à tête de mort qui joue de la lame et du crochet, et surtout Leeches, construite d'après les traits de l'épouse d'André Toulon, étrange pantin qui transmet des sangsues par la bouche, dans la droite lignée de Parasite Murders de David Cronenberg...

Six-shooters, AKA "Spider Puppet"
Mais la vedette de cet épisode est sans conteste Six-shooters, le cow-boy à six bras, qui tue du nazi en duel et grimpe aux murs avec l'aisance d'une araignée. Ajoutez à cela les mandales et les soupirs de Pinhead (la marionnette à gros bras et petite tête), deux scènes orgiaques avec un dignitaire nazi amateur de grosses poitrines, l'affrontement de deux figures de la série B, Guy Rolfe et Richard Lynch, et, pour parachever le tout un final réellement démoniaque, et vous obtenez un cas unique dans l'histoire du cinéma : la saga dont le meilleur opus est le troisième !

Affrontement au sommet entre Guy Rolfe (à gauche)...
...et Richard Lynch
Les DVD :
Tout d'abord, signalons qu'Artus propose chaque DVD au tarif de 8,90€ avec un forfait à 22€ pour les trois d'un coup : une politique tarifaire exemplaire dont feraient bien de s'inspirer quelques gros éditeurs... Tirés de copies en très bon état, les masters sont d'excellente facture, malgré l'image sombre du premier volet certainement d'origine. Rien à redire côté son, sinon que la diction des acteurs des V.F. a ce côté bien ringard des doublages d'époque : ça peut avoir son charme... Chaque DVD propose un diaporama d'affiches et de photos des films.
Côté bonus, c'est Francis Barbier (membre actif du site de référence du cinéma fantastique sur la toile : DevilDead) qui s'y colle pour, 30 à 40 minutes par DVD d'infos précieuses sur tout ce qui entoure ces trois films et bien au-delà. A travers la genèse et les tournages, les carrières des personnes impliquées dans la production et la réalisation de la saga, les spécificités de chacun des épisodes, les incohérences de l'un à l'autre et toute une floppée d'anecdotes, ses commentaires permettent de mieux comprendre les enjeux et conséquences de ce type de production. 
Comme il le conseille lui-même, on visionnera chaque bonus APRES avoir vu le film auquel il se rapporte, même si les retournements de scénario ne sont pas le fort de cette saga.
Au final, 1h30 de mise en perspective par un amateur très éclairé qui permettent de mieux digérer la trilogie. 
De toutes façons, un type qui pioche des trésors de bandes originales dans sa collection de vinyles a droit à toute notre considération...


jeudi 11 juillet 2013

L'émerveillement retrouvé

Même si le catalogue d'Artus Films est une véritable malle aux trésors du cinéma de genre, un cabinet des curiosités du 7ème art, l'éditeur pratique rarement l'édition "collector". 
La sortie, dans la triplette de juillet, de la version "UFA" des Aventures Fantastiques du Baron de Munchhausen constitue donc un double évènement. Pour l'occasion, Artus nous propose un double DVD, emballé dans un sur-boîtier en carton et agrémenté d'un joli livret de 8 pages, comprenant le synopsis détaillé et la distribution du film illustrés de photos et de dessins d'époque. 
Mais c'est surtout le film lui-même, dans sa version de 110 minutes, qui vient combler un manque dans l'histoire du cinéma fantastique et d'aventures. 
Il permet déjà d'éliminer deux ou trois idées reçues, la première étant que le film, commandé par le régime nazi en 42, serait un instrument de propagande ou, tout du moins, récipiendaire des idées nauséabondes de l'Allemagne hitlérienne. 
Le récit des aventures du Baron de Munchhausen a beau être une des plus belles pièces de la culture germanique, c'est avant tout l'histoire d'un personnage libertaire, pour ne pas dire subversif, résistant à toute autorité, réfractaire aux religions, et prônant un hédonisme de tous les instants, aussi bien en ce qui concerne le vin et la bonne chaire que les femmes de tous âges et de toutes conditions qui succombent une à une à son charme. Particulièrement dans cette version qui assume un libertinage constant et s’agrémente de quelques plans particulièrement osés pour l'époque (des femmes au bain, seins nus, dans le harem du Sultan de Turquie !)

Turkish délices...

Deuxième idée reçue : ce film daté de Josef Von Baky serait moins bien que la version de Terry Gilliam, sortie en 88. La comparaison est stérile, pour ne pas dire stupide, puisque le réalisateur de Brazil revendique lui-même l'influence de cette ambitieuse version allemande. La filiation semble évidente au vu des trucages artisanaux mais particulièrement inventifs qui abondent dans le film : transparences, accélérés, incrustations d'images, effets d'optique, apparitions/disparitions... On est dans la continuité des fééries de Méliès et des bricolages d'Harryhausen, chers au coeur de Gilliam qui n'a jamais caché son aversion pour le tout numérique et, particulièrement dans son Munchhausen, a tenté de retrouver cette magie du trucage primitif. 

Le Baron drague, même sur la Lune...
Troisième idée battue en brèche : à l'instar du Don Quichotte de Cervantès, Munchhausen n'est pas un récit destiné uniquement aux enfants. Outre l'érotisme latent et les idées progressistes déjà évoquées, le parcours du personnage  interroge quelques points essentiels de la condition humaine, notamment sur la question du vieillissement et sur la frontière qui sépare l'imaginaire flamboyant d'un réalisme forcément moins glorieux. Malgré un démarrage un peu bavard et quelques trous dans le récit, cette version réussit à merveille le mélange de légèreté et de profondeur. Quelques scènes restent d'ailleurs particulièrement émouvantes, comme la mort de Kuchenreutter, coursier et ami fidèle du Baron, et le geste d'amour final de ce dernier envers son épouse. 
Avec ses couleurs douces dues au procédé très spécifique  "Agfacolor", son casting et son budget colossaux pour l'époque, et sa fantaisie intemporelle, Les Aventures Fantastiques du Baron de Munchhausen s'avère aujourd'hui une œuvre essentielle de l'imaginaire fantastique à l'européenne, ô combien différente des superproductions américaines.

Escapade amoureuse en décors naturels, à Venise

Les DVD :
Le deuxième DVD est entièrement réservé au documentaire Un mythe en Agfacolor, 1h15 consacrées à la naissance du procédé et à son application dans le cinéma allemand. Plein d'enseignement historiques et techniques, quoiqu'austère dans sa forme.
A la suite du film, sur le premier disque, le Docteur "Artus Bonus", plus connu sous son nom véritable d'Alain Petit, sévit une fois encore avec un enthousiasme communicatif. Il reconstitue le contexte qui a vu naître ce projet, s'attarde sur les noms essentiels du générique, mais il évoque aussi les autres adaptation et, surtout, les différentes versions accessibles selon les époques, fantasmant sur une hypothétique copie de 2h15 dont l'existence est, pour l'heure, difficile à prouver. 
"De toutes façons, quand on est en présence d'un film comme ça, la moindre minute retrouvée, c'est déjà un trésor !" conclut-il avec une émotion palpable.
 

Alain Petit exhibe l'un de ses trésors, illustré par Gustave Doré !!!



mardi 2 juillet 2013

Grosse cylindrée et combinaison cuir

Ca ressemble plus à un fantasme de cinéphile déviant qu'à un vrai film. 
Jack Cardiff, l'un des plus éblouissants chef opérateur de l'histoire du cinéma, réalise en 68 son onzième long métrage (quand-même !) en tant que réalisateur, adapté de l'écrivain français érotico-surréaliste André Pieyre de Mandiargues. Si l'histoire en est simplissime (une femme est partagée entre deux hommes : l'un gentil et propret qu'elle a épousé, l'autre, viril et un peu propret aussi, qui est son amant), la forme en est en revanche libre et profondément originale. 

L'action (si l'on peut employer ce mot) part d'un rêve étrange sur fond de cirque. La jeune et belle Rebecca s'éveille dans le noir, troublée. Elle décide alors de quitter discrètement son mari aux premières heures du matin, pour enfourcher son Harley-Davidson Electra Glide et parcourir les kilomètres qui séparent la France de la Suisse afin d'y retrouver son amant. 
Entre flash-back et séquences oniriques reliés par une voix off exprimant les souvenirs, les doutes et les interrogations de l'héroïne, La Motocyclette a tout du "road-trip-movie", une petite année avant le film qui allait définitivement installer le genre : Easy Rider
Bien sûr, ni le propos ni le décor ne sont les mêmes, mais le voyage de Cardiff, s'il n'est pas exempt de défauts, fait preuve d'une audace formelle qui force l'admiration et l'impose comme une des matrices du genre. Dès l'ouverture, la volonté de prendre le spectateur à rebours de ses habitudes linéaires est manifeste. Usant de différents effets de filtres, de transparences, de violents contrastes de couleurs, de cadrages audacieux et de compositions inattendues, Jack Cardiff ne se pose pas seulement en esthète mais s'applique à construire une ambiance sensuelle et sulfureuse hors des sentiers battus. Outre le fantasme circassien qui ouvre le film, on retiendra une scène d'amour dans l'obscurité et surtout cette séquence où les deux amants, submergés par le désir dans une forêt enneigée, s'allongent sur un tas de bûches. 
 
Certes, la valse hésitation de Rebecca est un peu désuète aujourd'hui et sa relation gentiment sado-maso avec un Delon fumeur de pipe portant un joli gilet tricoté-main a perdu son parfum de scandale. Mais cette volonté de remettre en cause les valeurs traditionnelles de façon un peu lourde est largement compensée par le charme du film et surtout les surprises qui jalonnent ce trip. Particulièrement habile à caractériser ses personnages par les décors qui les entourent (l'école et son tableau noir pour le mari, la librairie pour la jeune fille, la grande fenêtre ajourée pour l'amant...), Cardiff maîtrise le va-et-vient temporel et délivre les maigres informations de l'intrigue avec un judicieux sens du timing.Au final, ce sont surtout les mimiques extatiques et les sourires forcés de Marianne Faithfull, abondamment filmée en combinaison de cuir noir, les cheveux aux vents sur sa grosse cylindrée, qui nous semblent un peu longuets, 45 ans après.
Ne gâchons pas notre plaisir pour autant : La Motocyclette est une hallucinante embardée du cinéma européen, le film d'un artisan libertaire et obsessionnel qui, aussi bien comme chef op' qu'en tant que réalisateur, a su utiliser le cinéma comme un terrain d'expérimentations et la caméra comme une machine à rêver.


Le DVD :
C'est une excellente copie qui nous est proposée ici, dont le transfert respecte les partis pris esthétiques du film. La bande son impeccable permet d'apprécier entre autres la musique originale de Les Reed.
Outre un abondant diaporama et la bande-annonce du film, nous avons droit au laïus de l'incontournable Alain Petit, toujours aussi érudit en ce qui concerne le générique et enthousiaste sur les écarts de conduite d'Alain Delon, mais peu disert sur l'originalité de fond et de forme de La Motocyclette. Cela dit, c'est juste pour chipoter : Artus Films vient encore d'ajouter une curiosité incunable à son catalogue déjà particulièrement roboratif !
 

mercredi 19 juin 2013

L'été sera chaud, l'été sera beau

Encore et toujours, Artus Films affirme sa démarche atypique avec 3 nouveaux DVD annoncés pour juillet, qu'il sera cette fois difficile de rassembler sous une thématique commune.  Pour tous, la première grande version des Aventures Fantastiques du Baron de Münchhausen, superproduction aux couleurs pétard (en Agfacolor !) réalisé en Allemagne en 1943 sur commande du ministre de la propagande nazie, Goebbels lui-même, et pourtant irrigué d'une idéologie libertaire surprenante. En espérant qu'Artus propose la version intégrale (traduisez : avec seins nus...) 
Nettement plus adulte, une curiosité signée Jack Cardiff, immense chef op' du cinéma anglais (Le Narcisse noir, Les Chaussons Rouges, Pandora...) qui embarque Alain Delon et Marianne Faithfull dans un délire psyché-sexuel : La Motocyclette.

Notre impatience est plus grande encore de revoir Léolo, ovni québecois dû à un réalisateur au talent fulgurant, décédé prématurément dans un accident d'avion après seulement deux films, Jean-Claude Lauzon. Ce qui ont vu Léolo s'en souviennent. Ceux qui ne l'ont pas vu n'auront bientôt plus d'excuse...

lundi 3 juin 2013

Y'a pas que la Hammer...



Artus Films continue son festival de sorties, balayant progressivement tout ce que le cinéma de genre compte de curiosités oubliées, de déviances perdues et autres bisseries qui semblaient n'exister que dans les fantasmes les plus tordus de cinéphages pervers.
Après les 3 westerns italiens du mois dernier, arrive une nouvelle trilogie rassemblée sous l'intitulée British Horror. Embrassant en 3 films ce qu'on appelle l'âge d'or du film d'horreur anglais, de son émergence au milieu des années 50 jusqu'à son sinistre déclin 20 ans plus tard, la sélection délaisse les productions Hammer Films abondamment éditées par ailleurs, pour trois exemples très spécifiques de ce que pouvaient donner de plus hallucinant les petites productions indépendantes de l'époque.

Horror Hospital
Au mépris de toute chronologie, commençons par Horror Hospital, qui a marqué toute une génération de fans français de cinéma d'horreur, notamment grâce à une édition chez Delta Video en 82 dont la jaquette un peu trompeuse a certainement contribué au succès.



Brian Jagger ? Mick Jones ? Non, Robin Askwith
On y découvre un jeune compositeur de pop music qui décide d'aller se mettre au vert et choisit pour cela une maison de repos dans la campagne anglaise... Le point de départ est d'autant moins crédible que ce jeune chevelu, sorte de croisement entre Brian Jones et Mick Jagger (dont il adopte volontiers les moues lippues et la gouaille), trouve sa destination dans une espèce d'agence de voyage un peu fumeuse, tenue par une vieille crapule (Dennis Price, qui fut, entre autres, l'un des ignobles jurés de Théâtre de sang) très sensible au charme "stonien" du jeune homme. Mais ce n'est rien à côté de ce qui va suivre : le jeune homme prend le train, rencontre une très jolie jeune fille, qui s'avère être la nièce d'une ancienne tenancière de bordel qui travaille désormais avec l'ignoble docteur responsable de la pseudo clinique de repos...

Grosse rigolade sous la douche : ça va pas durer
Je m'arrête là : le scénario signé du réalisateur Antony  Black, et d'un certain Alan Watson dont c'est la seule aventure cinématographique, ressemble au délire d'un amateur de fantastique, écrit sous trip d'acide. Tout le panel est représenté : savant fou, patients zombifiés, serviteur nain, vieille tante complaisante, créature monstrueuse, auxquels il convient d'ajouter quelques motards en cuirs casqués ainsi qu'un bellâtre d'origine indéfinie surgissant au dernier tiers du film (l'acteur, malgré son physique sud-américain, est né Baron Von Quelquechose, à Hong-Kong !!!)
Au chapitre des réjouissances organiques, notons la décapitation, des charcutages divers, du transport de cervelle, l'absorption de breuvages verdâtres et de nourritures indéfinissables, une ou deux séquences de nudité un peu vite avortées, j'en passe et des meilleures.

Ambiance de folie pour le repas du soir
Quant au casting, s'il n'est pas constitué d'acteurs transcendants, il aligne en revanche les plus belles trognes du genre avec, en tête, le terriblement malsain Michael Gough dont le visage inquiétant marqua aussi bien les séries télévisées (Docteur Who, Chapeau melon...) que le cinéma de genre, jusqu'à ce que Tim Burton en fasse le Pennyworth de son Batman.
On apprend dans le bonus que ce délirant concentré d'horreur d'un mauvais goût assumé a été entièrement construit à partir de son titre. Titre que nous ne connaîtrons que tardivement : alors qu'il n'a rien à voir avec le personnage de Mary Shelley, il sortit en France en 1976 sous l’appellation La Griffe de Frankenstein, certainement pour récupérer le public de la Hammer.


Le Sang du Vampire
15 ans avant Horror Hospital, un autre savant fou faisait des siennes dans un film qui eut aussi les honneurs de la VHS et que l'édition française, parue chez Fantastic Video, était d'ailleurs la seule à présenter dans sa version "complète" : Le Sang du vampire.

Là aussi, l'action se concentre essentiellement sur un lieu : une prison/asile en retrait du monde, dans laquelle le docteur Callistratus, ressuscité après son exécution pour "vampirisme", utilise les prisonniers comme cobayes pour ses expériences sur le sang humain. Le jeune docteur John Pierre, accusé un peu vite d'avoir causé la mort d'un de ses patients, est envoyé dans ce lieu lugubre où Callistratus le prendra comme assistant. Mais la fiancée de John Pierre n'a pas dit son dernier mot...


Si l'on se rapproche de la tradition gothique dans cette histoire située en fin de XIXe en Transylvannie, la réalisation d'Henry Cass délaisse les couleurs flamboyantes et les aspects baroques de la mise en scène de la Hammer pour une atmosphère d'une noirceur absolue. L'image est sombre, l'action se passant essentiellement en intérieurs glauques et sales, ou de nuit, dans la cour du bâtiment carcéral. Le serviteur boiteux et dissymétrique de Callistratus sert de passeur entre les cellules miséreuses et le laboratoire souterrain du scientifique malfaisant, parcourant une série de lieux plus oppressants les uns que les autres, de la cour gardée par des molosses assoiffés de sang aux colonnes de pierre où sont enchainées quelques accortes victimes du sadisme de Callistratus.
On apprend dans les bonus que l'Angleterre, et à plus forte raison les États-Unis, ont connu une version censurée du film, où manquaient les décolletés sur poitrines opulentes, mais aussi les passages les plus "violents" du métrage, notamment un lent travelling sur les écorchés et autres fragments anatomiques disséminés dans le laboratoire. Artus Films propose la version "française" où ces minutes supplémentaires se remarquent par une qualité d'image plus faible. Mais l’intérêt d'avoir retrouvé ces quelques mètres de pellicule n'est pas seulement historique : elles renforcent la vision pessimiste et cruelle d'un film dont le happy end, vite expédié, ne dupe personne.
Marqué par la présence de l'acteur Shakespearien Donald Wolfit qui, pour cette première incursion dans l'horreur se place d'entrée parmi les plus beaux "méchants" du genre, Le Sang du vampire s'avère plus fantastique dans son atmosphère et ses atours que dans son récit. Ainsi, la première partie, qui voit son héros victime d'une injustice perdre progressivement tout contact avec son entourage et le confort de sa vie bourgeoise, rappelle la paranoïa propre à certains films de prison. Le scénario de Jimmy Sangster (auteur à la même époque du terrible Paranoïac avec Oliver Reed) préfère dépeindre la noirceur de l'âme humaine qu'une manifestation surnaturelle du Mal, le vampirisme du titre étant à prendre dans un sens très métaphorique.

La Nuit des Maléfices
La véritable surprise vient du moins connu de ces 3 films : La Nuit des Maléfices, réalisé en 1971 par Piers Haggard, un quasi inconnu à qui on doit une fin de franchise (Quatermass), une parodie de franchise (Fu Manchu) et Venom, jalon du fantastique sorti en 81, plus réputé pour son casting alignant Klaus Kinski, Oliver Reed et Michael Gough (le méchant d'Horror Hospital, suivez un peu !) que pour ses qualités. 
Pourtant, une indéniable originalité apparaît dès les premières minutes dans la réalisation de La Nuit des Maléfices.
Une jarre, une besace ouverte dont les victuailles se sont renversées dans l'herbe et un râteau au premier plan. En fond, un laboureur traverse l'écran. Il fait une pause, salue une paysanne au loin, essuie la sueur sur son visage. On entend les corneilles croasser. Quelque chose l'intrigue alors dans le sol retourné  : il découvre un bout de squelette, un masque au centre duquel semble le dévisager un œil diabolique, sur lequel rampe un ver de terre...


L'ambiance moyenâgeuse particulièrement soignée du film (décors et costumes plutôt austères, une atmosphère hivernale rendue par de nombreux plans sur la nature aride), combinée au choix de privilégier le mystère et le dévoilement progressif des enjeux du récit sur les grands effets horrifiques, débouche sur un équilibre inhabituel entre réalisme et fantastique. On ne sait jamais si la folie qui atteint les personnages, l’émergence de zones pileuses sur certaines parties du corps ou même les morts mystérieuses de quelques villageois sont dues à des phénomènes naturels ou surnaturels. Se situant dans une tradition riche de films autour de la sorcellerie et des rituels d'incantations diaboliques, La Nuit des Maléfices construit un récit de plus en plus malsain, sans jamais basculer dans la complaisance sanglante ou érotique (malgré deux séquences particulièrement chargées sur le plan sexuel).
Très justement affilié dans les bonus au cruel classique de Michael Reeves, Le Grand inquisiteur,  le film de Piers Haggard s'avère certes moins flamboyant et comporte quelques imperfections, mais il est aussi empreint d'un climat étrange et sauvage qui a peut-être inspiré le Nicolas Roeg des Sorcières. Avec ses paysans crédules, son clergé fébrile et ses adolescents inquiétants, La Nuit des Maléfices est au final une œuvre singulière et captivante qui mérite grandement son exhumation.



Les DVD :
Imparfaites mais plus qu'honorables, les copies proposées par Artus Films permettront de découvrir ou redécouvrir les films dans des bonnes conditions qui passent même l'épreuve du vidéo projecteur. Les compressions sont de qualité inégales avec un petit bémol pour Le Sang du Vampire dont la définition est assez approximative, un petit défaut largement compensé par l'opportunité de voir la version complète évoquée ci-dessus. 
Comme d'habitude, affiches et photos d'époque alimentent les galeries des bonus, et surtout l'érudition inépuisable d'Alain Petit qui décline le casting et la place de chacun des films dans l'histoire du cinéma d'horreur anglais. Si l'on ne partage pas forcément son manque d'enthousiasme patent pour La Nuit des Maléfices, on commence à avoir du mal à imaginer un DVD d'Artus sans sa bonhommie éclairée.
Jan Jouvert