jeudi 25 avril 2013

3 visages du western italien


La dernière livraison d'Artus Films ravira ceux qui, comme moi, bavent régulièrement en parcourant les pages du pavé de Jean-François Giré : Il était une fois le western européen.
En supposant que vous soyez de la bonne génération et que vous fûtes, à l'époque, au bon endroit (en région parisienne, quoi !), il est impossible que vous ayez vu toutes les perles de ce genre déviant et prolifique qu'on appelait avec plus ou moins de condescendance le "western spaghetti". Vu le rythme stakhanoviste des productions (en moyenne plus d'un par semaine entre 1965 et 1972), tout ne sortait pas en France. Et c'était souvent tant mieux : pour quelques dizaines de western à (re)découvrir, on ne compte pas le nombre de films anecdotiques, pour ne pas dire négligeables. Ainsi, l'éditeur Seven 7 fut-il pionnier dans l'extirpation de raretés du western italien, avant de se fourvoyer dans les fonds de catalogue, que des jaquettes illustrées par les dessinateurs de Fluide Glacial ne suffirent pas à sauver. Bien sûr, il y a les fanatiques, les inconditionnels et les complétistes qui aimeraient bien tout voir, jusqu'au grotesque Les Ravageurs de l'Ouest, sorti à l'époque chez Evidis dans une copie VF vieille et tremblante. Difficile donc de faire le tri entre la curiosité, l'indispensable et le film qui aurait mieux fait de rester aux oubliettes de l'histoire du cinéma. Tentons le coup avec les 3 nouvelles parutions d'Artus...

On pourra ainsi toujours s'interroger sur la pertinence d'éditer Joe L'implacable (Dynamite Joe) qui ne sera malheureusement pas à ranger dans la catégorie des grandes réussites d'Antonio Margheriti. Son scénario, optant résolument vers la veine comique, voire parodique, met en vedette un mercenaire, docteur ès dynamite, engagé par le gouvernement pour surveiller le transit de l'or régulièrement dérobé par un gang de hors-la-loi.
Redondant, monté à l'arrache et surtout flanqué d'un acteur principal dont l'illusoire ressemblance avec Eastwood ne parvient pas à cacher le manque de talent et de charisme, Joe L'implacable est à peine sauvé par quelques explosions bien senties et des idées qui auraient gagné à être un peu mieux exploitées (le pseudo-révolutionnaire mexicain qui ne quitte jamais son fauteuil même en pleine nature, le héros assiégé au fond de la mine, une rivalité féminine blonde/brune autour de ce même héros) mais qui finissent vite en pétard mouillé.

Rik Van Nutter, il avait le choix entre le poncho et le talent de Clint Eastwood...





 

Dans une veine proche, tourné quasiment à la même époque, Un train pour Durango s'en tire nettement mieux. Peut-être parce qu'il assume un ton égrillard, un goût pour la farce, quelque part entre le roman picaresque et les excès rabelaisiens. Le premier plan montre l'arrivée du tandem principal, dont le héros plié en deux sur son cheval pour avoir pris (je cite) "une balle dans le cul". 
On reconnaît, dans ce duo héroïcomique, des accents de celui que formaient Eastwood et Eli Wallach dans Le Bon, la brute et le truand et l'on peut aussi penser qu'il préfigure celui d'On l'appelle Trinita, d'autant plus que le réalisateur des Trinita, Enzo Barboni est directeur de la photo sur ce film-là.On retrouve également quelques préoccupations sociales chères à Sergio Leone ou Damiano Damiani (El Chuncho) : les différences de classes et de castes, le cynisme et le détournement de la révolution, etc...
Même si, là aussi, le scénario bafouille un peu et perd le rythme de temps en temps, il bénéficie de suffisamment de retournements de situations pour tenir sa logique tordue jusqu'au bout. Agrémenté d'un personnage féminin important et nuancé et de personnages secondaires croquignolets, Un train pour Durango fourmille d'idées sympathiques dont une attaque de train (toujours bienvenue), une scène de roulette russe collective assez drôle et l'humiliation des deux héros enterrés jusqu'au cou subissant l'assaut d'une horde à cheval -dont le bonus nous apprendra qu'elle fut tournée sans trucage-. Avec son final ironique particulièrement réussi, Un train pour Durango se situe dans le milieu du classement, parmi la tripotée de films du genre pas indispensables mais foncièrement sympathiques.



Mais la pépite de cette livraison d'Artus est à coup sûr Texas (Il prizzo del potere), l'un des plus beaux exemples de ce qui fait le prix des expérimentations et détournements du genre : ici, une évocation des tensions qui ont présidé à la naissance de la nation américaine, se doublant d'une passionnante variation sur l'assassinat de JFK.
Difficile de résumer une intrigue qui évolue très rapidement et met en jeu non seulement beaucoup de protagonistes, mais aussi plusieurs niveaux d'un récit dynamité par la duplicité et les revirements des personnages. Le héros, Bill Willer, est déjà difficile à cerner, ayant vécu la guerre de sécession côté nordiste en face de son Texan de père qui combattait pour le camp opposé. Celui-ci sera d'ailleurs lâchement assassiné au début du récit, entachant ainsi la morale immaculée du héros d'un désir de vengeance incompatible avec ses idéaux de tolérance.

1ère image : les sudistes brûlent le portrait de Lincoln, avant la bannière étoilée..
Le racisme "naturel" du pays est aussi largement évoqué avec le personnage de Jack Donovan, ami du héros qui a eu la mauvaise idée de naître noir, au Texas. Corruption de fonctionnaires, lobby financier (incarné ici par Fernando Rey, en banquier véreux tout puissant), presse soumise au pouvoir, racisme plus ou moins hypocrite, manipulation du peuple et théorie du complot nourrissent un scénario articulé autour d'un morceau de bravoure : l'assassinat du président des États-Unis. La séquence centrale du film est cadrée et découpée pour évoquer immanquablement les fameuses images du 22 novembre 1963, d'autant plus que l'action du film se déroule à Dallas, qu'il y a plusieurs tireurs embarqués et l'épouse du président assise à son côté, au centre du cortège...

L'assassinat du président : un troublant effet de "déjà vu".

Ce n'est qu'une des idées brillantes d'un scénario atypique signé Massimo Patrizi, responsable l'année d'avant de celui de Les Russes ne boiront pas de Coca-Cola de Luigi Comencini... Quant au réalisateur, Tonino Valerii, il est souvent oublié lorsqu'on évoque les grands noms du western italien, probablement parce qu'il sait se montrer discret, très en retrait des étincelles baroques qui illuminent le genre. En plus de cette réussite, on lui doit tout de même le chant du cygne du spaghetti, Mon nom est personne, mais aussi le très sous-estimé Le Dernier jour de la colère sorti voici belle lurette chez Seven 7.



Les DVD :
Qualité des copies et de la compression : Artus propose trois DVD plutôt irréprochables, d'autant plus que les films, généralement sortis dans des versions mutilées en France, sont ici proposés dans leur métrage intégral. Les VF passent en VO sous-titrés lors des séquences originellement coupées. 
C'est cette fois Curd Ridel qui assure les trois suppléments. Le dessinateur-scénariste de BD, un temps en charge de Pif et Hercule, est un autre fou furieux du western italien. Il se concentre plus particulièrement sur les acteurs des trois films en faisant défiler à l'écran une impressionnante collection de DVD qui devrait en faire baver plus d'un (voir en début d'article).
Moins historien et plus enthousiaste que Ramaïolli, il évoque avec gourmandise les "chouettes" films d'Anthony Steffen, Giuliano Gemma et de toutes les trognes qu'on retrouve régulièrement dans les rôles de seconds couteaux. Peut-être pour des raisons de proximité géographique, il est un des rares à savoir que l'actrice principale d'Un train pour Durango, Dominique Boschero, est devenue aujourd'hui une ardente prosélyte de la culture occitane sous le nom de Dominique Bosquier. Il est aussi détenteur d'un roman photo inspiré du film qui semble valoir son pesant de cacahuètes !
   



jeudi 18 avril 2013

Un giallo à la sauce allemande



Masks d’Andréas Marshall


Oui, oui, vous avez bien lu. Les Allemands se mettent à faire des giallli. Genre que l’on pensait disparu ou bien ressuscité par éclat et notamment par le maître et inventeur du genre Dario Argento.

Mais « Méfiez vous des apparences » est-il écrit comme phrase d’accroche sur la jaquette. Ah nous voilà prévenu. Ce film allemand d’horreur se découvre donc au fur et à mesure comme un véritable giallo, un genre historiquement incarné par les cinéastes italiens. Né dans les années 70, celui-ci a des codes bien spécifiques avec son tueur pervers et mystérieux, habillé de noir, portant des gants... et traînant souvent avec lui des traumatismes qui remontent à l’enfance. Il y a tout ça dans Masks avec en plus un hommage à Dario Argento. En effet, comment ne pas voir dans Stella, belle jeune fille intégrant une école d'acteurs privée, la jeune Suzy arrivant dans une académie de danse dans le Suspira d’Argento. Tout au long du film on reconnaît la lumière rouge  baignant le visage de l’héroïne, les couloirs inquiétants, les paroles chuchotées s’échappant des portes laissées entrouvertes ou de derrière ses rideaux. 



Mais la différence c’est que Suspiria n’était pas un giallo mais un film d’horreur fantastique avec ses sorcières. Ici donc, pas de sorcellerie mais des méthodes barbares de théâtre. L’école où atterrît Stella a un passé sulfureux : dans les années 70, le professeur de théâtre Matteusz Gdula y pratiquait une méthode violente et perverse. La mort de plusieurs étudiants et le suicide de Gdula avaient d’ailleurs imposé l’interdiction de celle-ci. Mais a-t-elle vraiment disparu ?




Ratant une audition dans une prestigieuse académie, Stella est donc dirigée vers cette école où, dès ses premiers pas, elle tombe nez à nez avec une jeune femme qui semble s’en enfuir. Mal accueillie par les étudiants, elle cherche à faire sa place et découvre que des cours particuliers, très secrets, sont donnés derrière une porte toujours fermée. Tiens tiens… Son désir de devenir une formidable actrice sera plus fort que le danger et engagera alors le film dans une variation faustienne. Stella ira-t-elle jusqu’à pactiser avec le diable et boire le sang de ses concurrentes pour réussir ? 


Ne pourrait-on pas y voir aussi une réflexion tarabiscotée sur la perversité des acteurs et leurs méthodes d’interprétation où ils sont parfois appelés à se projeter personnellement dans leur personnage, à rechercher en leur moi intérieur les émotions à jouer, jusqu’à passer par différents masques ! Et oui, ils sont là les masques du titre du film.

Ainsi, l’auteur réalise un giallo dans les règles de l’art, n’hésitant pas à faire dans le sanguinolent et à jouer de la perversité de ces meurtres, tous très silencieux au bout d’une longue et fine épée. L’horreur en est décuplée. Des meurtres qui ne traînent pas en longueur d’ailleurs et c’est une bonne chose. Andréas Marshall ne veut peut pas mettre les spectateurs en position de voyeur/pervers devant ces scènes de violence mais désire, par contre, montrer la perversité du tueur. C’est l’essentiel et encore une fois, nous sommes bien loin des références à la série Saw que l’on peut lire sur cette jaquette. Là aussi méfions nous donc des apparences. Sinon, il y a bien quelques petits passages ringards de mise en scène avec ces montages épileptiques d’images subliminales lorsque Stella vit des moments d’intenses introspection-droguées. On peut aussi très bien considérer que cela fait partie du décorum et cela ne dénote donc pas.


Alors sans le génie de la mise en scène d’un Argento mais avec un certain savoir-faire, de l’humilité aussi, Marshall, comme un bon artisan, réussit à mouler un intéressant Masks, giallo allemand contemporain. 
Julien Camy


Masks De Andréas Marschall, avec Susen Ermich et Peter Donath
Editeur Filmedia (Blu-ray et DVD)


dimanche 7 avril 2013

En mai, flingue ce qu'il te plaît !

Après un début de printemps un peu lourd, les bonnes nouvelles arrivent enfin. 
Artus Films annonce 3 westerns italiens pour le mois de mai, en versions intégrales inédites :  
- Un train pour Durango signé Mario Caiano (réalisateur des Amants d'outre-tombe avec Barbara Steele)
- Texas de Tonino Valerii (Mon nom est personne, et Le Dernier Jour de la Colère)
- Joe L'Implacable (Dynamite Joe) d'Antonio Margheriti qu'on ne présente plus.


Normalement, on devrait vous chroniquer tout ça en détail ici-même.

L'éditeur annonce aussi pour le mois de juin 3 titres pour lancer la collection British Horror. Plus rien ne les arrête...

samedi 6 avril 2013

Sale temps pour le cinéma de genre espagnol

Quatre jours après Jess Franco, Bigas Luna vient de mourir. Qui va célébrer les noces du sexe et du sang maintenant ?


mercredi 3 avril 2013

Jesús est mort

Au stakhanoviste fétichiste obsessionnel du cinéma. 
A ses muses Lina Romay, Soledad Miranda et les autres. 
La température vient de prendre 50° supplémentaires en enfer.


Jess Franco 1930 - 2013