dimanche 29 septembre 2013

Héros torturés et salauds magnifiques




Trois de plus ! En septembre, nos amis d'Artus ont balancé Killer Kid, Les Colts de la violence et Bandidos dans les meilleures crèmeries. Trois westerns italiens de la période 66-67, considérée comme l'apogée du genre dans la bible de Jean-François Giré, Il était une fois le western européen, qui consacre une pleine page au Colts de la violence, mais se contente de résumer les deux autres.
Qu'il me soit permis ici d'inverser la tendance, pas tant par esprit de contradiction que par gout personnel. 

Car si effectivement Mille Dollari Sul Nero (si, si, c'est le titre original des Colts de la violence...) semble sur le papier diablement alléchant, il peut s’avérer avec le recul légèrement surestimé. 
Un homme revient chez lui après 12 années passées en prison pour un crime dont il est innocent. Son jeune frère, mégalomane, psychopathe, échevelé, lui a piqué sa compagne et dirige une bande de crapules sans foi ni loi avec qui il viole, tue, et s'empare de tout ce qui passe à sa portée... 
Avec sa rivalité fratricide, attisée par une mère fascinée par la violence de son cadet, ses décors baroques et ses jaillissements de cruauté, le western prend des accents shakespeariens, malheureusement affaiblis par un découpage et un montage bâclés, particulièrement flagrant dans les scènes de fusillades où les armes semblent tirer un peu au hasard, où les victimes tombent sans avoir été visées, dans la confusion la plus totale. 
Malgré ce bordel ambiant et quelques baisses de régimes, Les Colts de la Violence recèle pas mal d'atout, notamment la révélation de Gianni Garko dans le rôle de Sartana, le frère fou furieux, nettement plus charismatique qu'Anthonny Steffen qui tente l'attitude à la Eastwood (la bouche fermée et le regard qui tue) mais reste un peu trop lisse.

Les plus belles séquences du film sont dues aux femmes : celle de la mère décidant de descendre dans la rue arrêter le massacre, et surtout celle de la femme abandonnée par les deux frères dans le temple inca qui servait de repère aux pillards. Deux moments insolites, presque fantastiques, qui à eux seuls méritent la découverte.


On retrouve Anthony Steffen dans Killer Kid où il continue à se prendre pour Eastwood, mais dans un rôle plus ambigu encore, entre cynisme et duplicité, au milieu d'une révolution mexicaine annoncée dès le carton du générique qui donne le ton : on est dans le western zapatta ! 
Ne nous y trompons pas cependant, si le film a quelques résonances avec le chef d’œuvre de Damiano Damiani, El Chuncho, le ton est ici plus léger et surtout plus binaire. La corruption et les dérapages de la révolution sont certes présents, mais ils servent avant tout d'éléments déclencheurs du scénario, qui tourne essentiellement autour de la valse hésitation de son héros.
Pour alimenter ses réflexions et son trouble : un vieux révolutionnaire rebuté par la violence, un gros mexicain partagé entre l'idéal révolutionnaire et le profit, et une femme qui jouera un rôle essentiel dans les atermoiements de celui qu'on appelle Killer Kid. C'est sur ces quatre personnages que va se jouer toute la dynamique du film, chacun d'eux étant pétri de contradictions et d'hésitations, entre l'idéal et le désir, l'altruisme et l’intérêt personnel. 
Sous son apparente simplicité et malgré son ambiance lumineuse, Killer Kid développe en fait une vision plutôt pessimiste de l'humanité, entérinée par un plan final sans appel. 



Pas franchement plus optimiste, Bandidos délaisse l'aspect politique du western zappata pour se ranger dans la catégorie plus élémentaire du film de vengeance : Richard Martin, un tireur d'exception blessé et humilié par un bandit, Billy Kane, va former un jeune tireur rencontré par hasard, afin qu'un jour il aille abattre son rival...
Sur ce schéma simple et classique, Bandidos va en fait entrecroiser les destins de personnages qui échappent à la caricature. Le jeune élève (interprété par un Terry Jenkins pas forcément plus doué que Steffen mais nettement plus sobre) garde tout au long du film une aura de mystère autour de ses véritables intentions. On a beau le sentir du bon côté de la crosse, on a l'impression qu'il peut retourner sa veste à tout instant...
Mais c'est surtout la figure de Richard Martin, qui passe du statut de tireur d'élite à celui de camelot pouilleux, qui amène au film une dimension pathétique inédite. Sa douloureuse déchéance, portée par le grand acteur italien Enrico Maria Salerno, sert de fil rouge à une intrigue ténue mais rondement menée. Et surtout magistralement réalisée.


Pas étonnant quand on sait que Massimo Dalamano est aux commandes, l'homme de Mais qu'avez-vous fait à Solange ? et La Lame infernale (sorti récemment, on vous en a parlé ), et, avant ça, chef op' sur les deux premiers westerns de Sergio Leone
Bandidos est sa première réalisation de fiction et le moins qu'on puisse dire est qu'il maîtrise son affaire. C'est rythmé, ça respire, il n'y a pas un plan moche, et on a droit à quelques séquences grandioses. On retient un travelling à couper le souffle sur les restes d'une attaque de train qui a viré au carnage, et le superbe duel final, qui prend le contrepied des montées de tension statiques de Sergio Leone  : tout en mouvement et en trompe-l’œil.

Avec son casting fellinien (on y voit une collection de trognes pas piquée des hannetons), son beau générique de début et sa partition au cordeau signée Eggisto Machi (dont c'est pourtant la seule intrusion dans le western), Bandidos fait certainement partie des trésors cachés du genre.
Un western à la fois sombre et jouissif qui mérite plusieurs visions.

Les DVD :
Rien à dire côté masters : les copies sont de très bonne qualité, ce qui est d'autant plus appréciable qu'elles bénéficient tous d'une photo très soignée.
Tous les dvd proposent version originale sous-titrée et version française d'origine,ce qui, dans le cas du western italien est loin d'être négligeable : pour cause de castings internationaux et de postsynchronisation, la version française est souvent meilleure que l'italienne. Il faut ajouter à cela l'effet nostalgique des voix françaises sur tous ceux qui ont découvert ces films à leur sortie, ce type de production ayant eu uniquement droit à la v.f..
Côté bonus, outre les impayables bandes-annonces d'époque et les diaporamas, on retrouve avec plaisir l'enthousiaste Curd Ridel qui connaît son sujet sur le bout des doigts. Il décline sur chacun des disques les carrières des réalisateurs et surtout des acteurs, n'hésitant pas à s'attarder sur certains d'entre eux plus longtemps qu'ils n'apparaissent dans le film. Ce petit côté catalogue ne va pas sans quelques répétitions et aurait supporté une ou deux coupes, mais les bonus fourmillent d'anecdotes et d’apartés amusants et instructifs sur les carrières et les vies des comédiens.

Et puis, non content de replonger dans sa collection de photo-romans tirés des films en question, Curd Ridel évoque au détour d'une bio  l'actrice Nadia Cassini, qui s'affiche particulièrement accorte en couverture du Playboy italien.
Enfin, il convient de bien regarder le bonus des Colts de la violence jusqu'au bout pour profiter d'une petite surprise qui ravira les véritables amoureux du western italien.

          

jeudi 12 septembre 2013

Le Peeping Tom nouveau, en octobre...

En exclusivité, la page 34 du prochain Peeping Tom consacré aux "enfants d'Hitchcock", avec une interview de Dario Argento et plein de bonnes choses...