jeudi 11 juillet 2013

L'émerveillement retrouvé

Même si le catalogue d'Artus Films est une véritable malle aux trésors du cinéma de genre, un cabinet des curiosités du 7ème art, l'éditeur pratique rarement l'édition "collector". 
La sortie, dans la triplette de juillet, de la version "UFA" des Aventures Fantastiques du Baron de Munchhausen constitue donc un double évènement. Pour l'occasion, Artus nous propose un double DVD, emballé dans un sur-boîtier en carton et agrémenté d'un joli livret de 8 pages, comprenant le synopsis détaillé et la distribution du film illustrés de photos et de dessins d'époque. 
Mais c'est surtout le film lui-même, dans sa version de 110 minutes, qui vient combler un manque dans l'histoire du cinéma fantastique et d'aventures. 
Il permet déjà d'éliminer deux ou trois idées reçues, la première étant que le film, commandé par le régime nazi en 42, serait un instrument de propagande ou, tout du moins, récipiendaire des idées nauséabondes de l'Allemagne hitlérienne. 
Le récit des aventures du Baron de Munchhausen a beau être une des plus belles pièces de la culture germanique, c'est avant tout l'histoire d'un personnage libertaire, pour ne pas dire subversif, résistant à toute autorité, réfractaire aux religions, et prônant un hédonisme de tous les instants, aussi bien en ce qui concerne le vin et la bonne chaire que les femmes de tous âges et de toutes conditions qui succombent une à une à son charme. Particulièrement dans cette version qui assume un libertinage constant et s’agrémente de quelques plans particulièrement osés pour l'époque (des femmes au bain, seins nus, dans le harem du Sultan de Turquie !)

Turkish délices...

Deuxième idée reçue : ce film daté de Josef Von Baky serait moins bien que la version de Terry Gilliam, sortie en 88. La comparaison est stérile, pour ne pas dire stupide, puisque le réalisateur de Brazil revendique lui-même l'influence de cette ambitieuse version allemande. La filiation semble évidente au vu des trucages artisanaux mais particulièrement inventifs qui abondent dans le film : transparences, accélérés, incrustations d'images, effets d'optique, apparitions/disparitions... On est dans la continuité des fééries de Méliès et des bricolages d'Harryhausen, chers au coeur de Gilliam qui n'a jamais caché son aversion pour le tout numérique et, particulièrement dans son Munchhausen, a tenté de retrouver cette magie du trucage primitif. 

Le Baron drague, même sur la Lune...
Troisième idée battue en brèche : à l'instar du Don Quichotte de Cervantès, Munchhausen n'est pas un récit destiné uniquement aux enfants. Outre l'érotisme latent et les idées progressistes déjà évoquées, le parcours du personnage  interroge quelques points essentiels de la condition humaine, notamment sur la question du vieillissement et sur la frontière qui sépare l'imaginaire flamboyant d'un réalisme forcément moins glorieux. Malgré un démarrage un peu bavard et quelques trous dans le récit, cette version réussit à merveille le mélange de légèreté et de profondeur. Quelques scènes restent d'ailleurs particulièrement émouvantes, comme la mort de Kuchenreutter, coursier et ami fidèle du Baron, et le geste d'amour final de ce dernier envers son épouse. 
Avec ses couleurs douces dues au procédé très spécifique  "Agfacolor", son casting et son budget colossaux pour l'époque, et sa fantaisie intemporelle, Les Aventures Fantastiques du Baron de Munchhausen s'avère aujourd'hui une œuvre essentielle de l'imaginaire fantastique à l'européenne, ô combien différente des superproductions américaines.

Escapade amoureuse en décors naturels, à Venise

Les DVD :
Le deuxième DVD est entièrement réservé au documentaire Un mythe en Agfacolor, 1h15 consacrées à la naissance du procédé et à son application dans le cinéma allemand. Plein d'enseignement historiques et techniques, quoiqu'austère dans sa forme.
A la suite du film, sur le premier disque, le Docteur "Artus Bonus", plus connu sous son nom véritable d'Alain Petit, sévit une fois encore avec un enthousiasme communicatif. Il reconstitue le contexte qui a vu naître ce projet, s'attarde sur les noms essentiels du générique, mais il évoque aussi les autres adaptation et, surtout, les différentes versions accessibles selon les époques, fantasmant sur une hypothétique copie de 2h15 dont l'existence est, pour l'heure, difficile à prouver. 
"De toutes façons, quand on est en présence d'un film comme ça, la moindre minute retrouvée, c'est déjà un trésor !" conclut-il avec une émotion palpable.
 

Alain Petit exhibe l'un de ses trésors, illustré par Gustave Doré !!!



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