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dimanche 2 juin 2013

Les 24 coups (+1) de Minuit

C'est la meilleure nouvelle éditoriale de l'année. Les éditions Rouge Profond, dont la collection Raccords consacrée au cinéma fait des merveilles depuis une dizaine d'années, annonce un projet d'utilité publique qui prendra effet à partir de septembre 2013.
En trois livres accompagnés de DVD, l'éditeur compile l'intégrale de la mythique revue Midi-Minuit Fantastique, agrémentée de suppléments qui mettent l'eau à la bouche (archives inédites, films, etc.) et du numéro 25 qui est resté totalement inédit.


24 numéros en parution chaotique répartie de 1961 à 1972, pour la première publication française consacrée officiellement au cinéma fantastique, mais qui en fait embrassait plus largement tout ce que la culture pouvait avoir de déviant : des bisseries à l'érotisme, en passant par des échappées vers la littérature, la BD ou encore les trublions émergeant (Mocky, Wakamatsu), avec un goût prononcé pour le surréalisme et tout ce qui sentait le souffre. 
Le format, la maquette, le nombre de pages... rien n'était constant dans Midi-Minuit Fantastique, sinon une insatiable curiosité. Quelques numéros célèbres, devenus rarissimes, sont aujourd'hui des proies de collectionneurs, notamment l'introuvable numéro 8, consacré à l'érotisme et l'épouvante dans le cinéma anglais saisi à l'époque par la police (ce qui, vu d'aujourd'hui, laisse songeur sur l'évolution des mœurs.) 
Entre les premières parutions, plutôt thématiques (Terence Fisher, King-Kong, Dracula...), et une ligne éditoriale plus éparpillée mais toujours aussi passionnante à partir du numéro 14 (qui marque le passage au grand format), la collection complète constitue un formidable balayage de cette décennie, à la fois pop et expérimentale, un territoire rêvé dans lequel la pure exploitation tutoyait parfois le génie.

En attendant cette alléchante aventure éditoriale, pour vous mettre en appétit allez donc vous plonger dans le dossier très riche que le site de référence DevilDead a consacré à la revue. 
Quant à moi, je vais me replonger dans mes numéros poussiéreux qui me permettront de patienter jusqu'au lifting opéré par Rouge Profond...

dimanche 20 novembre 2011

TORSO célèbre Joe Dante


Tandis que le dernier John Landis sortait dans une relative indifférence (Cadavres à la pelle, sorti fin aout 2011), le fanzine TORSO préparait son numéro 8 dédié à Joe Dante, l'autre grand  dévoreur de genres du cinéma américain des années 80. L'actualité éditoriale consacrée au réalisateur est d'ailleurs largement plus prolixe que sa production cinématographique, au point mort depuis 2003 (Les Looney Tunes passent à l'action) si l'on excepte un film invisible (The Hole, 2009, inédit en France... et aux Etats-Unis), ses projets avortés et ses deux mémorables Masters of Horror
Les éditions Rouge Profond sortent ce mois de novembre Joe Dante, l'art du je(u), ouvrage cumulant analyse de l’œuvre et entretien avec le réalisateur. Point de concurrence ici puisque l'auteur du livre, Frank Lafond, offre au fanzine TORSO quelques pages consacrées à la participation de Joe Dante au projet enterré : The Greatest Show Ever.  Il n'est qu'un des nombreux collaborateurs d'un numéro auquel j'ai eu la joie d'apporter ma contribution et, qu'au mépris de toute déontologie, je vous recommande chaudement. La variété des approches, qui passe allègrement de l'étude analytique à quelques échappées revigorantes (un questionnement à la fois ludique et très révélateur sur le sketch de Dante pour la version cinéma de La Quatrième Dimension), permet une lecture en zigzag, un voyage au pays des Gremlins qui va du rire aux Hurlements sans crier gare. Le tout est accompagné d'une interview du réalisateur qui s'avère passionnante... et un peu déprimante : " Mon dernier film n'est même pas sorti aux Etats-Unis. J'ai vu que le nouveau John Carpenter n'est sorti qu'en VOD, et que le dernier Peter Weir repose sur une étagère depuis je ne sais  combien de temps, attendant d'être distribué. Alors bien sûr, j'ai des projets, plusieurs, mais l'un d'entre eux seulement trouvera-t-il des fonds ?"
En attendant ce retour hypothétique et pour combattre cette frustration cinématographique, un peu de lecture ne peut que faire du bien. 

jeudi 9 juin 2011

Déviances en tous genres

Avec une certaine ironie, les cinémas considérés comme peu recommandables (pour ne pas dire honteux) jusqu'à il y a peu, sont en train d'acquérir des lettres de noblesses.
Après la réhabilitation du cinéma de genre, c'est aujourd'hui le cinéma d'exploitation qui est enfin accepté comme partie intégrante de l'histoire du cinéma. 

En témoignent quelques réjouissantes actualités éditoriales, comme le pharaonique Dictionnaire des films français érotiques et pornographiques de Christophe Bier (asssisté d'une grosse vingtaine de collaborateurs), paru chez Serious Publishing. L'ouvrage vient combler un gouffre dans un domaine que la plupart des professionnels du cinéma ont toujours traité avec le mépris le plus absolu. Rappelons qu'à l'époque où la pornographie se consommait en salle, le seul magazine de cinéma non spécialisé dans le X qui critiquait sérieusement les films à l'affiche était La Revue du cinéma, remarquable mensuel qui fait singulièrement défaut aujourd'hui... 
Le travail de Christophe Bier et sa bande vise une exhaustivité particulièrement difficile (plus qu'aucune autre catégorie du cinéma, les films pornographiques ont été mutilés, transformés, retitrés selon les besoins..) avec une rigueur exemplaire : fiches techniques aussi complètes que possible, résumés, critiques, recensement des identités multiples des œuvres.
Une fois accepté le prix -exorbitant mais légitime- d'un tel objet, exprimons notre seul regret en citant Jean-Luc Douin dans sa critique (lisible sur lemonde.fr,) : "Aucune illustration ne vient troubler les motivations d'un lecteur ciblé comme historien, sociologue, cinéphile plutôt que voyeur."

D'autres ouvrages témoignent de cette montée en grâce du cinéma d'exploitation.  Et il faut saluer la ligne éditoriale des éditions Bazaar & co particulièrement orientée vers cette catégorie commerciale du cinéma. Cas particulier,  l'ouvrage massif Il était une fois le western européen n'a pas au départ pour vocation de traiter de produits d'exploitations mais bien d'embrasser la totalité des westerns du vieux continent. Au final cependant,  la majeure partie des films évoqués sont des produits italiens, dérivés des films de Sergio Leone. Ce qui n'enlève rien à l’intérêt du bouquin,(ni de certains de ces westerns dégénérés d'ailleurs !)
Mais on compte aussi chez l'éditeur un livre consacré à la Blaxploitation, aux "Vigilante movies" (déclinaisons autour de la justice expéditive initiée par l'inspecteur Harry)  et l’impressionnant  ouvrage que Julien Sévéon a consacré à la Catégorie III japonaise (actuellement en promo !), lecture qu'on complètera volontiers avec Le Cinéma enragé que le même auteur a fait paraître chez Rouge Profond.


Mais pour en revenir à Bazzar & co, je me dois de recommander par-dessus tout Reflets dans un œil mort, signé Sébastien Gayraud et Maxime Lachaud un livre unique en son genre autour des Mondo Movies et des films de cannibales Unique par son ton, tout d'abord, qui réussit à être sérieux sans jamais être ennuyeux. Les auteurs se consacrent à un cinéma crapoteux, racoleur, complaisant, un cinéma qui, sous-couvert de "documentaire ethnologique" joue sur le sensationnel et les pulsions voyeuses du spectateurs (ce type de pulsions qui fait s'arrêter les automobilistes pour regarder les conséquences d'un accident de la route...) 
Pourtant, sans faire l'hagiographie du genre, le livre en recense toutes les spécificités, tous les codes, et, surtout, le rétablit comme une forme cinématographique à part entière, qui fut populaire deux décennies durant, malgré une haine quasi unanime de la critique. On en parcourt les 350 pages comme en exploration, découvrant à chaque chapitre d'étranges phénomènes du cinéma. On y apprend, entre autres, que Claude Lelouch a réalisé un Mondo, La Femme Spectacle, ou encore que le fameux « Ma-Na-Ma-Na », chanson reprise dans le Muppet Show, Benny Hill, et qui illustrait le bêtisier de Téléfoot 1, a été à l’origine composée pour le Mondo Suède, enfer et paradis…Mais au-delà de ces aspects anecdotiques, c'est un voyage à travers la fascination pour le morbide, une approche de ce mélange paradoxal d'attraction/répulsion qu'exercent ces films sur le spectateur.
Pour avoir une idée de ce qu’est un vrai Mondo Movie, je vous conseille d’aller faire un tour ici et de télécharger ce numéro de L’œil du cyclone [1] qui compile des extraits du genre en question.

Bien sûr, cette réhabilitation du cinéma d’exploitation est parfois revancharde, disproportionnée, et tente de faire passer des vessies pour des lanternes (aussi grandes que soient la faconde et l’érudition de Christophe Bier, il n’a pas le pouvoir de transformer Max Pécas en bon réalisateur), mais tout ce qui peut élargir notre curiosité et faire sortir notre cinéphile de ses idées reçues est bon à prendre.


[1] L’œil du Cyclone : émission prodigieuse  et thématique qui transformait les archives les plus insolites en pépites d’or. "L’œil du cyclone" était diffusé tous les weekend sur Canal +, du temps où la chaîne se différenciait des autres.