dimanche 30 décembre 2012

"The Ecstasy of Films" sur les chapeaux de roue


Alors qu'on annonce la fin imminente des supports physiques et la mort des boutiques culturelles, l'arrivée d'un nouvel éditeur de DVD indépendant, qui plus est spécialisé dans le cinéma de genre, est une excellente nouvelle.
Saluons donc The Ecstasy of Films, belle enseigne derrière laquelle se cache l'équipe des Films de la Gorgonne et de l'émission Culture prohibée, qui ouvre les hostilités avec un premier titre La Lame Infernale. A suivre dans la foulée : La Guerre des gangs et Torso, soit pour démarrer trois films italiens des années 70-80 inédits en France, qui placent clairement The Ecstasy of films dans l'héritage du regretté Néo Publishing. Lucio Fulci, Sergio Martino, et donc pour démarrer Massimo Dallamano, réalisateur nettement moins culte que les deux autres, certainement en raison d'une carrière et d'une filmographie assez courtes d'où émerge cependant Mais qu'avez-vous fait à Solange ? giallo gonflé et troublant dont on retrouve le parfum ambigu dans La Lame infernale
Le film démarre par la découverte d'une adolescente pendue dans son studio. La police croit d'abord au suicide, puis comprend que la jeune fille a été assassinée. Ce n'est que le début d'une suite de révélations dans une affaire particulièrement douloureuse suivie par un policier tenace est une procureur de la république intègre...
Si La Lame infernale garde du giallo les crimes à l'arme blanche, le tueur masqué (ici "casqué") et l'érotisme pervers, le film se situe aussi du côté du "poliziottesco" musclé des années 70, plus tourné vers l'action et interrogeant les rapports tendus entre l'appareil juridique et les méthodes policières. La Lame infernale s'intitule d'ailleurs en italien La Poizia Chiede Aiuto, ("La police a besoin d'aide") titre qui l'éloigne un peu plus du giallo. Mais c'est justement dans ce va-et-vient entre deux genres à priori incompatibles que réside la force du film. L'enquête est complexe et longue à aboutir, mais le rythme ne faiblit jamais, relancé par quelques scènes d'action (une course poursuite auto-moto un peu longuette mais fort sympathique) et des regains de tension parfaitement distillés. 
L'intrigue tournant autour de la prostitution adolescente, on navigue en eau trouble mais, si Dallamano ne dédaigne pas déshabiller quelques unes de ses jeunes actrices, il évite habilement la complaisance en adoptant la suggestion aux moments-clés du film. Ainsi, la séquence où policier et procureur écoutent les bandes enregistrées des rendez-vous avec les clients rappelle le climat oppressant de La Femme flic de Boisset sur un thème similaire. 

Évitant quelques clichés du genre (flic en surhomme, happy end...) tout en en préservant l'esthétique et les bons côtés (superbe partition entêtante de Stelvio Cipriani), La Lame infernale tient son rythme enlevé de bout en bout et bénéficie d'une interprétation sans faille, ce qui suffirait déjà à en faire une exception dans sa catégorie.

Le DVD :
M'étant porté acquéreur de l'édition simple, pas d'avis sur les bonus, mais saluons déjà le beau travail d'édition proposant ici une jaquette réversible (un côté rouge, très années 80, et un côté jaune en hommage à la collection de romans policiers des sixties qui donna son nom au giallo) avec, en option, une affiche du film dessinée spécialement pour l'éditeur. Le DVD contient la bande annonce de La Lame infernale, plus celles des deux titres à venir : Torso et La Guerre des gangs (Contraband). 
Proposé en version française et en v.o. sous-titrée, le master est tiré d'une copie en très bon état, même si la compression est parfois un peu juste, notamment sur les extérieurs lumineux. A part ce détail, restitué dans son format Scope d'origine, ce premier titre augure magnifiquement d'une nouvelle collection dont nous allons suivre les sorties avec toute l'attention qu'elles méritent.

vendredi 21 décembre 2012

Miroir Noir, fanzine flibustier

Même dans l'univers autonome et libre des fanzines, il y a des conformistes, des besogneux qui vénèrent  tellement leurs ainés des années 70 qu'ils refont sensiblement la même chose 40 ans après. 
Nous mêmes, à Peeping Tom, n'avons nous pas pêché par manque d'imagination en reprenant sans le savoir le nom d'une publication créée en 71 par Michel Heurtault ?

Mais foin d'auto-flagellation, célébrons le sang neuf, l'iconoclastie, le ruage dans les brancards d'un nouveau venu qui vient de sortir son numéro 2 : Miroir Noir
Plus de 250 pages, format A4, en noir et blanc, abordant non seulement le cinéma de genre et le cinéma d'exploitation mais aussi, entre autres, le surréalisme, la musique psychédélique, les rapports entre drogue et littérature et Jean-Pierre Bouyxou !
L'éclectisme n'est pas seulement dans le sommaire : malgré une  certaine sobriété (certaines pages de textes sans illustration), la maquette est très hétéroclite, varie à l'envi la taille des caractères ou enchaine plusieurs pages de photos à la suite d'un article, privilégiant particulièrement le nu féminin. On notera par exemple une section fétichiste et roborative de plus de 20 pages consacrées au "bain au cinéma".
Mais l'originalité fondamentale de Miroir Noir vient d'une sévère tendance à privilégier liste, référencement et retranscription. On y trouve ainsi l'intégralité d'échanges passionnant tirés d'émissions de radio (Mauvais Genre) ou de bonus DVD. Si cette tendance à la citation exhaustive peut sembler surprenante et peu orthodoxe (Droits d'auteurs ? Quels droits d'auteurs ?), l'assemblage de ces sources orales retranscrites à l'écrit amènent un recul particulier sur les propos spontanés tenus lors d'une émission de radio ou d'un entretien filmé. 
C'est cet esprit frondeur et atypique, lié à la richesse de ces assemblages qui fait de Miroir Noir un fanzine à nul autre pareil. Comme il n'y a pas de faute de gout, on oublie les fautes d'orthographe, et l'on se plonge avec délice dans ce sommaire anarchique. Des dossiers opiacés, des discussions enflammées sur le cinéma porno, la discothèque idéale de Julian Cope, un dossier sur les Krimi adaptés des romans d'Edgar Wallace, et des nichons en veux-tu en voilà : le pavé ressemble à un kaléidoscope dans lequel on finit par se perdre avec complaisance. Le responsable de la chose est Mickaël Gueydon qui se tape une grosse partie du boulot aidé par 3 autres rédacteurs. 

On peut se procurer Miroir Noir pour 10€ ,port compris, en adressant un courrier à :
Mickaël Gueydon – 12, rue des Agaches – 62000 Arras
Le numéro 1 est épuisé depuis longtemps. Grouillez-vous !

lundi 10 décembre 2012

Le père Noël est un cochon


Manière de clôturer en beauté une année particulièrement faste, notre éditeur préféré aborde la saison des fêtes avec une hotte bien remplie : 4 films ouvrent une collection Jess Franco chez Artus Films qui risque de ravir les amateurs frustrés du stakhanoviste espagnol. 
Adulé, détesté ou ignoré, Jesus Franco, l'homme aux 200 films (dont trois en 2012, à 80 ans passés, selon Imdb) a dédié l'essentiel de sa filmographie, de sa vie, au cinéma d'exploitation, se pliant aux commandes de producteurs pingres et/ou fauchés, rarement scrupuleux, mais heureusement souvent peu regardant. Ce qui lui permit de développer ce que même ses détracteurs sont obligés d'appeler une œuvre. 
Obsédé pas seulement sexuel, fin connaisseur en cinéma, en littérature érotique et fantastique, en jazz, il a inventé son propre univers constitué de femmes exhibitionnistes et d'hommes voyeurs, de demeures étranges et d'extérieurs sauvages, où se croisent les figures perverses échappées du Marquis de Sade et les grands mythes du fantastique. Il a surtout inventé son propre langage cinématographique, refusant la grammaire classique, s'autorisant de grands balayages caressants, des zooms pénétrants, raffolant des contre-plongées au grand angle et des changements de focale dans le plan. 

Mais assez parlé technique, passons au menu ! Dans l'ordre chronologique, tout d'abord Venus in furs (1969) connu aussi sous le titre Paroxismus, considéré comme l'un des sommets de son œuvre, histoire de vengeance d'outre-tombe qui n'a pas grand-chose à voir avec le classique de Sacher Masoch, mais rappelle par certains côtés Vertigo d'Alfred Hitchcock. Puis Plaisir à trois et La Comtesse Perverse, tournés en même temps (Jess Franco étant le genre de type qui part avec une équipe, un scénario, un décor et revient avec deux films...), le premier étant librement inspiré du Marquis de Sade et le second carrément calqué sur Les Chasses du Comte Zaroff.Tous deux sortiront en 1974, sauf que La Comtesse Perverse, considéré à l'époque comme trop timide par rapport à l'arrivée du hard sera caviardé d'inserts plus explicites et deviendra Les Croqueuses. Enfin Célestine... Bonne à tout faire, sorti la même année, ressemble aux grandes heures du porno bourgeois français : un mélange de vaudeville et de cul sur le canevas du Journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau, dans une ambiance et un décor marqués début du XXème siècle (policiers à moustaches, valet en gilets rayés, soubrettes en jupette noire et petit tablier blanc, culbute dans les foins ou sur lits à baldaquins, etc.)
Lina Romay et Howard Vernon, 14 ans avant La Lectrice de Michel Deville
Il serait fastidieux d'analyser les œuvres en détail, les avis étant généralement tranchés et résistants sur le cinéma de Jess Franco. Notons tout de même quelques particularités intéressantes, à commencer par l'ambiance très jazzy de Venus in furs, tout à fait logique quand on apprend dans les bonus que le film aurait été inspiré au réalisateur par une conversation avec le trompettiste Chet Baker à propos de la transe durant le solo de jazz. Légende ou réalité, le personnage principal est bien un trompettiste qui, de plus, fréquente une chanteuse, ce qui vaut de longs passages musicaux où l'on peut même apercevoir Jess Franco derrière un trombone ou un piano.
Dans La Comtesse Perverse on retrouve la maison dessinée par Ricardo Bofill devant laquelle Soledad Miranda descendait les marches dans She Killed in extasy (et celui-là, c'est quand que vous le sortez Artus ?). Cette fois on en découvre l'intérieur au cours d'une descente d'escalier tellement jolie que Jess nous la met deux fois dans le film.


Plaisir à trois contient un musée de statues humaines qui rappelle quelques grandes heures déviantes du cinéma (Le Moulin des supplices ou Spasmo) mais il offre aussi une prestation très ambiguë de Lina Romay en masochiste soumise et demeurée qui s'exprime essentiellement par des râles et des gémissements.

Quant à Célestine..., certainement le moins intéressant de ces quatre films avec son registre gaulois qui ne semble guère intéresser le réalisateur, il vaut tout de même le coup d’œil, encore une fois pour Lina Romay, pleine de vie, de sève, belle comme le jour, filmée amoureusement par un homme qui a compris qu'elle suffisait à sauver le projet... 

Les DVD :
Si l'on comprend très bien que rassembler ces films en coffret eut été un mauvais calcul pour l'éditeur, la grande cohérence éditoriale de ces quatre premiers titres constitue au final une somme très intéressante en ce qui concerne la mémoire du cinéma d'exploitation. Les copies sont toutes excellentes et les compressions très honorables. La question des versions audio ne se pose pas vraiment, le cinéma de Franco étant d'une part pots-synchronisé et d'autre part soumis à de multiples refontes selon les pays, un problème récurrent dans les circuits de l'exploitation.
Et c'est là que les bonus s’avèrent passionnants, fourmillant pour chaque film d'anecdotes et de révélations concernant aussi bien la genèse que la réalisation et la diffusion de ce cinéma. La Comtesse est éclairée par les lumières de Jean-François Rauger, responsable de l'hommage à Jess Franco à la Cinémathèque. Jean-Pierre Bouyxou,  légende de l'ombre du cinéma bis, se charge de Célestine... et raconte, avec une grande honnêteté critique, l'histoire du film vue de l'intérieur. Son débit hésitant est largement compensé par le vibrant hommage qu'il rend au grand amour qui unissait Jess Franco et Lina Romay, tristement disparue en février. Quand à Alain Petit, habitué des bonus d'Artus, il se charge de Venus in furs et surtout de Plaisir à 3, film pour lequel il est devenu un peu par hasard scénariste de Franco (à l'exception des dialogues orduriers des scènes de cul, qu'il n'a découvert qu'à la sortie du film...)
Vous l'aurez compris, si l'on se surprend parfois à bailler devant certaines séquences étirées ou répétitives des films, l'essentiel et de découvrir un réalisateur unique dans l'histoire du cinéma, un créateur fascinant, les suppléments justifiant à eux-seuls l'achat des DVD.
Et comme c'est fête, les amis d'Artus vous font un prix pour les 4 : de quoi pimenter à vil prix les longues et emmerdantes soirées familiales qui se profilent.

jeudi 22 novembre 2012

MAESTRO


Invité par les Rencontres Cinématographiques de Cannes qui auront lieu du 10 au 16 décembre 2012, Peeping Tom aura l'immense plaisir de présenter la soirée du jeudi 13 en compagnie de... Dario Argento. Pour l'occasion, trois films donneront un aperçu de son talent : L’Oiseau au plumage de cristal, Suspiria et Le Sang des innocents
Le dieu vivant de l'horreur à l'italienne est annoncé en chair et en sang sur les 3 séances...

mardi 13 novembre 2012

Quand l'underground français surgit des profondeurs


Cinéphiles déviants, fanzinophiles compulsifs, monstrophiles obsessionnels, vous connaissez certainement Norbert Moutier, rédacteur éditeur, diffuseur du mythique Monster Bis (83 numéro en 24 ans d'existence : un modèle pour le monde du fanzinat) et réalisateur de films aussi cultes qu'invisibles.

A l'occasion de la sortie du DVD de son premier péché Ogroff - Mad Mutilator (1983) chez Artus Films, une après-midi vente de DVD / dédicace aura lieu le mercredi 21 novembre 2012, à partir de 14h00 à la librairie BD Ciné, en sa présence.
C'est 6 rue Pierre Sémard, à Paris.
Allez-y, vous nous raconterez...

dimanche 4 novembre 2012

A la poursuite de Paul Schrader - épisode 2 : la Suisse



Invité par les cinémas du Grütli, à Génève, notre fanzine aura l'honneur de présenter une programmation concoctée avec Edouard Waintrop (directeur des lieux et délégué général de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes) autour de Paul Schrader.
Blue CollarAfflicition et Auto Focus donneront un aperçu du meilleur de sa filmographie en tant que réalisateur. Mais nous aurons aussi l'occasion rare de voir l'un de ses premiers films en tant que scénariste, Yakuza de Sydney Pollack, ainsi que deux séances consacrées à des réalisateurs qui sont des influences majeures de Schrader : Bresson avec Pickpocket et Ozu avec Conte de Tokyo.
Si vous êtes vers Genève les 10 et 11 novembre*, ne loupez pas ce week-end évènementiel. Sinon, on vous racontera... 


*Et non pas les 11 et 12, comme indiqué par erreur précédemment...

jeudi 1 novembre 2012

Le château des fesses molles



Dans le cinéma d'exploitation, entre Jean Rollin et Jess Franco, il y a Joseph W. Sarno, réalisateur d'une grosse centaine de films allant du thriller psychologique au porno hard, en passant par ce Château des Messes noires qu'Artus Films vient d'éditer en DVD. 
De Jean Rollin, il a le romantisme littéraire, le goût des séquences épurées, d'une espèce de fantastique à demi-silencieux écrasé par les vieilles pierres. Avec Jess Franco il partage ce plaisir à filmer le rituel, une façon singulière de caresser les corps avec la caméra et une tendance à la répétition, pour ne pas dire à l'obsession. 
Ainsi, une fois qu'est mis en place le semblant d'intrigue du Château des Messes noires (Par une nuit d'orage, plusieurs personnes, dont un jeune homme et sa sœur spécialisée dans les mythes anciens et croyances populaires, se réfugient dans un château où la gouvernante et ses demoiselles s'adonnent à d'étranges rituels occultes et érotiques) le film va dérouler son ballet d'attractions-répulsions entre les personnages. 

Y'a comme un malaise au château...
 
Le jour, l'action semble avancer à rebours, tandis que les nuits alterneront  rapprochements de couples et cérémonies collectives. Amours saphiques, sadomasochisme, masturbation compulsive, le film décline une belle combinaison de figures érotiques sur lesquelles plane en permanence le vertige d'un inceste fraternel. A cette époque, Joseph Sarno est encore cantonné au soft et, si l'on semble sentir des coupes à certains endroits, l'ensemble reste relativement gentil malgré une omniprésence de la nudité et des caresses. 
La plus grande frustration vient cependant du côté fantastique, le thème du vampirisme étant plus utilisé pour ce qu'il engendre de fascination, d'emprise et de possession entre les personnages que pour son aspect sanguinaire ou horrifique. Les scènes de morsure sont réduites à leur strict minimum et l'attaque d'une des victimes par les chauve-souris est un des moments les plus ridicules du film, la réalisation semblant réticente à montrer les bestioles pendant la majorité de la scène (ce qu'on comprend très bien lorsqu'elle font enfin leur apparition au bout d'un fil).

On reconnaîtra pourtant des qualités inhabituelles dans le cinéma d'exploitation, notamment esthétiques, le film bénéficiant de décors magnifiques (un château en Bavière dont on apprend dans les bonus qu'il appartenait au producteur et inspira donc le film) et d'une photo très au-dessus de la norme. Des intérieurs restituant la lumière des bougies, quelques séquences de poursuites nocturnes, et un même soin à rendre l'intensité des visages et des regards que les corps dénudés des belles actrices : c'est de l'exploit' soignée !
Malheureusement, les répétitions, redondances et l'influence caricaturale de Bergman, aussi bien au niveau du rythme que des plans à plusieurs personnages face caméra, finissent par ramollir la vaillance du spectateur... Un comble pour un film censé nous ragaillardir ! 
Alors, quand le montage ramène pour la quinzième fois les images des rites en sous-sol où une bande de hippies nues et peinturlurées dansent timidement sur du tam-tam minimaliste, on en finit par souhaiter un bain de sang. Comme le disait mieux que moi Jean-Claude Guiguet dans sa critique pour La Saison Cinématographique 75 "Toutes les séquences musicales dans les souterrains du château relèvent moins de l'orgie satanique que d'un méchoui au Club-Méditerrannée."
Le fameux "frontal à la Bergman"

Le même avec une autre

Une variante

La version de trois-quarts

La version "groupir"


Le DVD :
La copie d'origine est très bonne et la compression de bonne facture rend hommage à la belle photo de Steve Silverman. Côté son, si la qualité technique est a peu près équivalente dans les deux langues proposées, on préfèrera pour une fois la version française : dans la v.o., les actrices parlent anglais avec un accent allemand ou suédois qui frise parfois le ridicule. Et puis, le dialogue est plus explicatif et plus élaboré dans la version française, c'est d'ailleurs celui-ci dont s'inspire Artus Films pour le sous-titrages de la v.o.. 
L'éditeur, comme à l’accoutumée, confie son supplément à un spécialiste du genre, en l’occurrence  Emmanuel Lefauvre, connaisseur avisé en érotisme et exploitation, particulièrement calé sur le réalisateur (il a écrit de lui : "Insolence de Joe Sarno : pour ceux qui aiment le porno, il habille les gens, pour ceux qui ne l’aiment pas, il les déshabille."). Il évoque autour du film une histoire et un contexte qui aident à mieux cerner sa singularité et nous convaincraient presque de sa qualité...

  

samedi 27 octobre 2012

Halloween avec Peeping Tom

Mercredi 31 octobre, à 21h30, au cinéma Nestor Burma, séance exceptionnelle du chef-d’œuvre de Narciso Ibanez Serrador : Les Révoltés de l'an 2 000 (alias Quien Puede Matar a un nino ou Los Ninos, ou encore Island of the Damned.)


Le film, projeté pour la première fois à Montpellier, a fait l'objet d'un article dans le numéro 0 de Peeping Tom et sera proposé au tarif unique de 5€. 
On sera là pour présenter la chose et bavarder ensuite avec les enfants de la nuit qui auront tenu le choc. 

vendredi 19 octobre 2012

Enfin !

Un petit mois de retard, mail il est là : voici quelques pages du Numéro 7 de Peeping Tom.
Par choix, nous sommes passés à une couverture non pelliculée que nous trouvons plus belle et qui devrait éviter certains gondolages des numéros précédents.
Pour le commander en ligne, aller à l'onglet Boutique.





























lundi 15 octobre 2012

Se mange froid

Voilà un titre tardif du gothique italien qui met en vedette une Barbara Steele saturée de cinéma d'horreur pour le conte d'une coproduction italo-américaine : à priori ça sent le produit commercial sans âme.
Sauf que, si le film est signé à l'époque par le producteur Ralph Zucker, il est en réalité la première réalisation de Massimo Pupillo (Vierges pour le bourreau) et le moins qu'on puisse dire est qu'il soigne son affaire, malgré son manque d’intérêt pour le genre que nous révèle Alain Petit dans l'indispensable bonus du dvd.
Le film de "vengeance d'outre-tombe" est quasiment un sous genre qu'on pourrait croire inventé pour Barbara Steele (Le Masque du démon, Les Amants d'outre-tombe, ce Cimetière des morts-vivants...) et qui a, en tous cas, pullulé dans le cinéma d'horreur italien. Il a l'avantage de se dérouler la plupart du temps dans un décor unique et de jouer sur une série de codes narratifs très efficaces, combinant avec plus ou moins de bonheur énigme policière et maison hantée.
Le scénario est ici particulièrement travaillé et, si l'histoire n'est pas d'une grande originalité, son point de départ accroche immédiatement le spectateur : un notaire est convoqué par le propriétaire d'une vieille demeure maudite pour finaliser son testament. Lorsqu'il arrive sur les lieux, il apprend que le maître des lieux... est mort depuis un an.
Le site américain de référence Imdb crédite l'histoire d'origine à Edgar Allan Poe, information erronée et démentie dans le bonus, mais qui s'explique peut-être par les scènes où l'on entend, en voix-off, le héros du film qui pense, effet qui rappelle le récit d'horreur à la première personne typique de Poe.


Ici, l'accent est mis sur les accessoires, quelques effets spéciaux et une bande sonore omniprésente pour faire grimper le suspense. Les portes grincent ou claquent, les horloges rythment bruyamment le temps, le tonnerre gronde, les arbres s'agitent et les statues portent les stigmates du mal qui rode. On trouve, derrière des vitrines, des cranes de squelettes, des bras momifiés, des cœurs dans du formol... Sans compter la menace de peste qui permettra, à terme, quelques maquillages purulents fort sympathiques.
Certes, la réalisation n'y va pas de main morte et l'insistance sur les effets sonores tourne parfois à la caricature. Mais, mine de rien, Le Cimetière des morts-vivants anticipe quelques idées du giallo (la comptine infantile chère à Dario Argento) et l'on pense même parfois à Evil Dead (la nature qui semble littéralement agresser la pauvre servante du château, et surtout la voix du mort sur le phonographe à rouleau, ancêtre du magnétophone possédé de Sam Raimi). 
Sur une réalisation beaucoup plus sérieuse et moins pop que celle de Vierges pour le bourreau, Pupillo joue quand-même la carte de l'érotisme en faisant tout son possible pour déshabiller ses deux actrices principales :  Barbara Steele, habilement immergée dans une baignoire, ou couvrant son amant dans une scène de lit, certes soft, mais durant laquelle elle se mord le bras avec sensualité. Quant à l'inconnue Mirella Maravidi, elle se laisse surprendre nue par le fantôme de son père (qui sera le seul à la voir, faut pas rêver non plus !) ou se change derrière un drap suggestif, après s'être vautrée dans la boue au bord du lac.  Bénéficiant d'un très beau noir et blanc signé Carlo Di Palma (chef op' de Blow-Up d'Antonioni et d'une tripotée de Woody Allen, quand-même !) et d'une bande originale tout en finesse d'Aldo Piga, Le Cimetière des Morts Vivants est un film certes daté, mais qui se découvre ou se revoit avec plaisir.
Barbara au bain

Mirella Maravidi enfile un soutien-gorge anachronique (l'action se déroule en 1911) mais sexy tout de même


Le DVD :
La copie et le master sont impeccables, le film bénéficie, en plus de sa v.o. obligatoire, d'une version française honorable. 
Artus Films a étoffé ses bonus de deux scènes supplémentaires issues de la version américaine du film, apparemment plus violente (on a même droit à un effet gore de chute de viscères plutôt inattendu) et moins explicative. 
C'est ce qu'explique l'intarissable Alain Petit, dont les anecdotes sur la mise en route du projet permettent de comprendre les logiques et les enjeux de la production d'époque. Mais ce sont vraiment ses apartés  à propos des aléas la carrière de Barbara Steele, d'un péplum fantastique ou d'un western jamais sorti en France, qui aiguisent l'appétit et laissent à penser qu'il reste encore beaucoup de cinéma de genre à aller ressusciter. A bon éditeur...

vendredi 5 octobre 2012

Gothiquissime















 
Pour d'évidentes raisons commerciales, le cinéma italien a imité dans les années 60-70 les genres les plus populaires du cinéma américain, et, dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, anglais. Au-delà des motivations pécuniaires, il y a quelque chose de fascinant à voir avec quel acharnement les réalisateurs reprennent les codes et tics des modèles et finissent par être plus vrais que les originaux.
Ainsi en va-t-il du gothique italien, calqué en partie sur les Frankenstein et Dracula de la Universal, mais surtout directement inspiré des premiers succès de la Hammer Films qui apporta à la fin des années 50 une dose de violence et d'érotisme au genre, sublimés par une réalisation fauchée mais habile. 

Mario Bava, Ricardo Freda (qui avait un peu anticipé la chose avec Les Vampires en 56) et une flopée d'autres, dont Camillo Mastrocinque, réalisateur touche-à-tout, en activité depuis les années 30.  
Nouveauté de saison chez Artus Films, La Crypte du vampire, sorti en 64, est une adaptation non avouée (certainement là aussi pour de basses raisons pécuniaires) de la magnifique nouvelle de Sheridan Le Fanu Carmilla. Ce texte, antérieur à Dracula de Bram Stoker, utilise le fantastique et le vampirisme pour évoquer une relation saphique aussi troublante qu'envoutante. Qualités que l'on retrouve dans le film qui laisse une grande place aux personnages féminins et à l’ambiguïté de leur relation. Comme dans la nouvelle, Laura, une jeune femme s'ennuie dans le château de son père. Elle est de plus assaillie d'effrayantes visions nocturnes, apparemment liées à une malédiction familiale.
L'attention que lui porte un jeune restaurateur de tableaux engagé par son père semble à peine l'éveiller de son apathie dépressive, lorsqu'un accident de calèche amène au château Ljuba, jeune fille fragile qui ramène immédiatement le sourire sur le visage de Laura. Aidé par un chef opérateur brillant, Mastrocinque s'applique à filmer les visages et les corps des personnages dans leurs déambulations nocturnes, leurs ballets amoureux, ou leurs échanges de regards suggestifs avec une grande intensité. Les jeux d'ombre et de lumière dans les décors somptueux du château et de ses alentours entérinent cette idée qu'un certain cinéma n'a aucun besoin de la couleur.


Et puis, le film est un catalogue copieux des spécificités gothiques : château massif, crypte cachée, éclairage aux chandelles, parchemins et tableaux mystérieux, déshabillés vaporeux, cris d'effrois, fenêtres qui claquent, morts qui se relèvent, ésotérisme symbolique, malédiction ancestrale, sorcier bossu et, caution ultime, Christopher Lee, transfuge de Dracula, ici dans le rôle du châtelain, pour une fois plus victime que personnage maléfique. 
La Crypte du vampire s'avère au final, bien plus qu'une copie de la Hammer , une des plus belles réussites d'un genre qui, sous les apparats de l'horreur laisse émerger une sensibilité terriblement romantique.


Le DVD :
La copie d'origine si elle n'est pas totalement parfaite, s'avère de très bonne qualité, et l'étalonnage restitue bien les subtilités de la photographie noir et blanc. Le son de la version originale connait quelques variations de niveaux, ce qui semble plus dû à l'alternance de prises directes (rarissime à l'époque dans le cinéma de genre italien) et de postsynchronisation sur le film d'origine, qu'à la compression numérique très correcte.
Côté bonus, on retrouve avec plaisir le passionné Alain Petit qui énumère les carrières du casting et de l'équipe de réalisation avec son érudition sans faille. Il semble cependant d'un enthousiasme modéré sur le film dont il évoque pourtant la belle carrière dans les salles françaises en terminant par ces mots : "C'est un film qui a été beaucoup vu et qui a surtout eu la chance d'avoir Christopher Lee au générique". Oui, certes, mais pas seulement...

Concours de robes de chambres entre José Campos et Christopher Lee