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jeudi 9 juin 2011

Déviances en tous genres

Avec une certaine ironie, les cinémas considérés comme peu recommandables (pour ne pas dire honteux) jusqu'à il y a peu, sont en train d'acquérir des lettres de noblesses.
Après la réhabilitation du cinéma de genre, c'est aujourd'hui le cinéma d'exploitation qui est enfin accepté comme partie intégrante de l'histoire du cinéma. 

En témoignent quelques réjouissantes actualités éditoriales, comme le pharaonique Dictionnaire des films français érotiques et pornographiques de Christophe Bier (asssisté d'une grosse vingtaine de collaborateurs), paru chez Serious Publishing. L'ouvrage vient combler un gouffre dans un domaine que la plupart des professionnels du cinéma ont toujours traité avec le mépris le plus absolu. Rappelons qu'à l'époque où la pornographie se consommait en salle, le seul magazine de cinéma non spécialisé dans le X qui critiquait sérieusement les films à l'affiche était La Revue du cinéma, remarquable mensuel qui fait singulièrement défaut aujourd'hui... 
Le travail de Christophe Bier et sa bande vise une exhaustivité particulièrement difficile (plus qu'aucune autre catégorie du cinéma, les films pornographiques ont été mutilés, transformés, retitrés selon les besoins..) avec une rigueur exemplaire : fiches techniques aussi complètes que possible, résumés, critiques, recensement des identités multiples des œuvres.
Une fois accepté le prix -exorbitant mais légitime- d'un tel objet, exprimons notre seul regret en citant Jean-Luc Douin dans sa critique (lisible sur lemonde.fr,) : "Aucune illustration ne vient troubler les motivations d'un lecteur ciblé comme historien, sociologue, cinéphile plutôt que voyeur."

D'autres ouvrages témoignent de cette montée en grâce du cinéma d'exploitation.  Et il faut saluer la ligne éditoriale des éditions Bazaar & co particulièrement orientée vers cette catégorie commerciale du cinéma. Cas particulier,  l'ouvrage massif Il était une fois le western européen n'a pas au départ pour vocation de traiter de produits d'exploitations mais bien d'embrasser la totalité des westerns du vieux continent. Au final cependant,  la majeure partie des films évoqués sont des produits italiens, dérivés des films de Sergio Leone. Ce qui n'enlève rien à l’intérêt du bouquin,(ni de certains de ces westerns dégénérés d'ailleurs !)
Mais on compte aussi chez l'éditeur un livre consacré à la Blaxploitation, aux "Vigilante movies" (déclinaisons autour de la justice expéditive initiée par l'inspecteur Harry)  et l’impressionnant  ouvrage que Julien Sévéon a consacré à la Catégorie III japonaise (actuellement en promo !), lecture qu'on complètera volontiers avec Le Cinéma enragé que le même auteur a fait paraître chez Rouge Profond.


Mais pour en revenir à Bazzar & co, je me dois de recommander par-dessus tout Reflets dans un œil mort, signé Sébastien Gayraud et Maxime Lachaud un livre unique en son genre autour des Mondo Movies et des films de cannibales Unique par son ton, tout d'abord, qui réussit à être sérieux sans jamais être ennuyeux. Les auteurs se consacrent à un cinéma crapoteux, racoleur, complaisant, un cinéma qui, sous-couvert de "documentaire ethnologique" joue sur le sensationnel et les pulsions voyeuses du spectateurs (ce type de pulsions qui fait s'arrêter les automobilistes pour regarder les conséquences d'un accident de la route...) 
Pourtant, sans faire l'hagiographie du genre, le livre en recense toutes les spécificités, tous les codes, et, surtout, le rétablit comme une forme cinématographique à part entière, qui fut populaire deux décennies durant, malgré une haine quasi unanime de la critique. On en parcourt les 350 pages comme en exploration, découvrant à chaque chapitre d'étranges phénomènes du cinéma. On y apprend, entre autres, que Claude Lelouch a réalisé un Mondo, La Femme Spectacle, ou encore que le fameux « Ma-Na-Ma-Na », chanson reprise dans le Muppet Show, Benny Hill, et qui illustrait le bêtisier de Téléfoot 1, a été à l’origine composée pour le Mondo Suède, enfer et paradis…Mais au-delà de ces aspects anecdotiques, c'est un voyage à travers la fascination pour le morbide, une approche de ce mélange paradoxal d'attraction/répulsion qu'exercent ces films sur le spectateur.
Pour avoir une idée de ce qu’est un vrai Mondo Movie, je vous conseille d’aller faire un tour ici et de télécharger ce numéro de L’œil du cyclone [1] qui compile des extraits du genre en question.

Bien sûr, cette réhabilitation du cinéma d’exploitation est parfois revancharde, disproportionnée, et tente de faire passer des vessies pour des lanternes (aussi grandes que soient la faconde et l’érudition de Christophe Bier, il n’a pas le pouvoir de transformer Max Pécas en bon réalisateur), mais tout ce qui peut élargir notre curiosité et faire sortir notre cinéphile de ses idées reçues est bon à prendre.


[1] L’œil du Cyclone : émission prodigieuse  et thématique qui transformait les archives les plus insolites en pépites d’or. "L’œil du cyclone" était diffusé tous les weekend sur Canal +, du temps où la chaîne se différenciait des autres.

lundi 26 octobre 2009

Tarantino peut aller se rhabiller


Sur le papier, l'entreprise est plus que douteuse : une compilation courant sur 8 cds sous l'intitulé "B-Movie Archives", censée dérouler quelques heures de bande originale imaginaire d'un monstrueux gloubi-boulga de série B.
Au total 118 titres rassemblés selon une logique difficile à cerner. De vraies musiques de films piochées dans de vraies séries B, mais aussi des titres pop, soul, groove... dont on ne sait pas vraiment comment ils se sont retrouvés là.
Mais à l'écoute, le coffret se révèle une enfilade de perles musicales, un quasi sans faute qui réussit à mélanger de vrais raretés, des incontournables et des surprises totales.
Sans être exhaustif, entrons dans le détail. Le 1er disque donne le ton en ouvrant sur The Last Race de Jack Nitzche que Quentin Tarantino utilisa pour démarrer son Boulevard de la mort. Puis enchaîne avec le très destroy 1970 des Stooges, suivi de l'instrumental des Routers, Sting Ray dont le thème est joué par un klaxon., suivi d'un morceau extrait d'un bollywood, oriental, groovy et sexy, puis un bijou de rare groove (6IX : I'm just like you) et ainsi de suite...
Le tout a beau être très hétéroclite, les compilations permettent d'aller de surprises en surprises en évitant deux écueils majeurs : la lassitude d'un style trop calibré d'une part, et les incontournables qu'on retrouve sur TOUTES les compils d'autre part. Ici, pas de Shaft, ni l'instrumental surf Misirlou qui, depuis Pulp Fiction a été replacé sur 250 compilations de B.O.
En revanche, quelques thèmes rares d'Ennio Morricone écrits pour le giallo, et un CD 5 entièrement consacré aux musiques des films d'Argento qui fait la part belle aux synthés de Simonetti, avec ou sans son groupe, Goblin. Un album privilégie le rock de l'Amérique profonde (CD 3 : Tony Joe White, Wille Nelson et... ZZ Top) mais glisse au milieu un extrait très cool de la BO de Bullitt en évitant soigneusement le thème principal, puis vous achève avec une reprise des Doors à la sitar, et une version de Summertime qui semble tout droit sortie d'un film noir des années 50. 
Beaucoup d'autres surprises, et ce jusqu'à la fin (des extraits de BO des Godzilla originaux, des crooners, de la musique brésilienne...) le coffret ne dérapant sérieusement qu'à deux ou trois reprises (le dernier titre est extrait de la BO imbuvable de Murderock, le nanar de Lucio Fulci qui tente de mélanger Fame et le giallo...). Tout ça est emballé dans un Digipack dépliable qui se contente du minimum syndical  : pas de livret qui eut été bien utile pour détailler un peu les choix musicaux, leur origine et leur histoire... L'espace est  ici rentabilisé au maximum. Mais la couverture, directement pompée à l'esprit Drive in/Tarantino/Rodriguez, se prolonge sur les CDs, décorés façon vinyle du plus bel effet.
Au final, ce mélimélo surprenant, pioché dans les catalogues Atlantic, Warner, East West et le formidable label de  réédition Rhino,  a vraiment de la gueule et se trouve actuellement disponible pour UNE VINGTAINE D'EUROS ! A ce prix là, ça ne vaut même pas la peine de le pirater...