mercredi 12 septembre 2012

Fantasmes lunaires

L'éditeur Artus Films aurait-il l'intention d'éditer toutes les séries B inédites des années 50 ? Toujours est-il que leur collection Prestige vient de s'enrichir d'un nouveau coffret réjouissant intitulé Voyages vers la lune. Ainsi, après Destination Mars et Les Monstres viennent de l'espace, les amateurs de SF naïve ont-ils le loisir de découvrir 4 nouvelles curiosités estampillées "old school".

La plus grosse pièce du coffret est sans nul doute le premier titre, De la terre à la lune, adaptation du roman de Jules Verne produite par la RKO en 58 et réalisé par Byron Haskin, grand amateur de conquête spatiale à qui on devait déjà une adaptation de La Guerre des mondes et une étrange production entre fiction et documentaire intitulée La Conquête de l'espace. C'est aussi le seul film en couleurs de cette compilation, le plus long des 4 (95 minutes : ça reste supportable !) mais peut-être pas le plus intéressant. Il manque ce souffle de l'aventure cher à Jules Verne, ici rendu pesant par un dialogue omniprésent (y compris dans l'espace où, certes, on ne vous entend pas crier, mais où personne ne vous empêche de bavarder.) Le film tourne vite au duel Joseph Cotten/George Sanders, incarnant tous deux  des industriels férus de science que des motivations contradictoires amènent à s'embarquer en fusée vers la Lune. En filigrane, le film prône l'arme nucléaire comme remède à toutes les tensions internationales.


Plus anecdotique mais plus drôle est le Project Moonbase, construit autour d'une expédition militaire destinée à faire des repérages sur la Lune et infiltrée par un espion qu'on devine d'obédience bolchevique. Malgré son scénario peinant à tenir ses 60 minutes et une production particulièrement économe, quelques trouvailles visuelles et trucages touchants emportent l'adhésion du spectateur. 


Le deuxième disque est plus surprenant encore, avec tout d'abord Mutiny in Outer space, dans laquelle une équipe de retour d'expédition lunaire ramène involontairement un virus dans sa base spatiale. Le huis-clos qui s'ensuit va exacerber rivalités et tensions entre les personnages et placer le film du côté de The Thing et Alien. Bien entendu, le suspense ne prend jamais vraiment et le virus (un fungus qui se développe à la chaleur) prend tout son temps pour se développer et recouvrir entièrement la station orbitale qui ressemble à... une toupie d'enfant entourée de laine noire. Autre sujet d'étonnement : la date du métrage, réalisé en 1965 mais tout à fait conforme à l'esprit fifties des trois autres.

Enfin, Missile to the moon pousse le délire un petit peu plus loin en embarquant à bord d'une fusée un scientifique énervé, deux délinquants en fuite, et un couple qui ne pensait pas être du voyage. Le quintet atterrira sur une lune peuplée de femmes, sortes d'amazones sélénites convoitant le mâle fraichement débarqué. Cette peuplade est incarnée à l'écran par un rassemblement de Miss internationales dont c'est certainement l'unique prestation au cinéma. Mais ce n'est pas la seule surprise de Missile to the Moon qui convoque créatures de pierre et araignées géantes pour un grand fourre-tout des plus roboratifs.
Ni l'antiquité, ni les délices de l'Orient : la Lune !

L’intérêt des coffrets Artus est avant tout dans le panorama qu'ils offrent sur une partie oubliée de l'histoire du cinéma de genres. Productions modestes, décor cheap, casting minimaliste, jolies femmes, machisme ostensible (même si De la terre à la lune rend un hommage vibrant mais sommaire au courage des femmes), propagande pro-impérialiste, tableaux de bords à gros boutons, bandes sons remplies de bruits incongrus : ce ne sont que quelques-uns des points communs de ces quatre films, témoins d'un imaginaire révolu.    


Le coffret :
Comme d'habitude chez Artus, l'esthétique rétro soignée met tout de suit en appétit. Choix judicieux pour le recto du coffret : le couple en bonnets de bains de l'espace de Project Moonbase
L'intérieur est garni de reproductions d'affiches et d'images des films, avec un livret du Pr Brave Ghoul qui, en 9 pages, balaye agréablement l'histoire de la Lune au cinéma. Les copies des films sont assez inégales. Si Project Moonbase et Missile to the moon présentent des compressions de qualité, un  bémol pour les deux autres titres qui souffrent de définitions un peu faibles. Ça devrait passer sur un écran pas trop grand. 
Restent les précieuses cartes postales reproduisant les affiches d'époque, qui achèvent de faire de ce coffret un objet destinés aux vrais de vrais !

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