
Déjà, l’histoire est formidable. Des Nazis se sont enfuis
de la terre en 1945 pour se réfugier sur la face cachée de la Lune. Là, ils
ruminent leur vengeance et préparent une contre-attaque en produisant de
l’hélium 3. En 2018, un module américain alunit sur la face cachée. Un des
spationautes est tué, l’autre emprisonné. Après les Nazis mort-vivants congelés
dans Dead Snow, un autre nanar mais
d’horreur, les voici donc en spationautes rancuniers, bien vivants et bien
méchants.
Il fallait y penser à cette histoire rocambolesque. Et
puis après, il faut y croire au projet. Peu de producteurs y crurent.
Cependant, une fois passées ces premières minutes d’a
priori, les préjugés tombent devant ce film qui se tient. Tout d’abord par ses
effets spéciaux de plutôt bonne qualité. Il n’y a rien de ridicule. Les
reconstitutions ne font pas carton-pâte et l’environnement lunaire assez
soigné. La base nazie en forme de croix gammée est d’ailleurs assez
terrifiante.
Mais, il n’y a pas que cela. Les thèmes et les
développements de l’histoire surprennent par une réflexion sur notre monde, juste
mais simpliste au premier abord, se révélant joyeusement perverse par la suite.
Pour les États-Unis retourner sur la Lune était avant tout un coup médiatique de
la présidente des USA (ressemblant à s’y méprendre à la réactionnaire Sarah
Palin) dans le cadre de sa campagne de réélection. Mais n’est-ce pas plutôt une
stratégie pour s’emparer des ressources énergétiques d’Hélium 3 ? « Bien sûr que non » dira l’émissaire
américain à l’ONU devant de telles accusations.
Mais Iron Sky
devient véritablement intéressant en prenant de l’épaisseur quand il fait se
rencontrer la mission nazie avec la directrice de campagne de la présidente. La
rhétorique politique nazie va y trouver une résonance et ce sont eux qui vont
se mettre alors à écrire le discours de la candidate pour sa réélection. La
confusion politique est troublante, dérangeante et pointe le doigt sur la
manipulation politique par le discours. Le film est donc loin d’être le caprice
d’un réalisateur raté ou une potacherie de science-fiction, c’est un film
politique de science-fiction – et d’anticipation ? Les références sont
nombreuses, à Star Wars bien
évidemment mais surtout à Doctor Folamour
dans le cynisme, l’ironie, le burlesque avec lesquels sont traitées les
réunions de l’ONU. Film foncièrement antimilitariste, il délivre une morale humaniste
gentillette démontrant comment les esprits peuvent être manipulés et notamment
par le cinéma. C’est devant la projection sur terre du Dictateur de Chaplin dans son intégralité qu’une des héroïnes nazies
ouvrira les yeux. Jusqu’ici, sur la Lune, elle n’en avait vu qu’une courte
partie, détournée par la propagande.

Il faut aussi savoir que ce film s’est réalisé grâce à la
participation financière de milliers de personnes qui avaient été sensibilisées
au projet. Les auteurs sont donc arrivés au bout. Pari réussi pour cette belle
découverte de début d’année.
Julien Camy
Iron Sky (2012, 1h33, Aus-Fin-All)
De Timo Vuorensola, avec Julia Dietze, Götz Otto, Udo
Kier, Christopher Kirby
- Editeur Condor en DVD et Blue-ray – 18 février Coffret : Livret de 16
pages - Making of (16') NB : La
version presse du DVD ne contenait que le film. Il ne nous a donc pas été
permis de visionner le Making Of’.