jeudi 1 novembre 2012

Le château des fesses molles



Dans le cinéma d'exploitation, entre Jean Rollin et Jess Franco, il y a Joseph W. Sarno, réalisateur d'une grosse centaine de films allant du thriller psychologique au porno hard, en passant par ce Château des Messes noires qu'Artus Films vient d'éditer en DVD. 
De Jean Rollin, il a le romantisme littéraire, le goût des séquences épurées, d'une espèce de fantastique à demi-silencieux écrasé par les vieilles pierres. Avec Jess Franco il partage ce plaisir à filmer le rituel, une façon singulière de caresser les corps avec la caméra et une tendance à la répétition, pour ne pas dire à l'obsession. 
Ainsi, une fois qu'est mis en place le semblant d'intrigue du Château des Messes noires (Par une nuit d'orage, plusieurs personnes, dont un jeune homme et sa sœur spécialisée dans les mythes anciens et croyances populaires, se réfugient dans un château où la gouvernante et ses demoiselles s'adonnent à d'étranges rituels occultes et érotiques) le film va dérouler son ballet d'attractions-répulsions entre les personnages. 

Y'a comme un malaise au château...
 
Le jour, l'action semble avancer à rebours, tandis que les nuits alterneront  rapprochements de couples et cérémonies collectives. Amours saphiques, sadomasochisme, masturbation compulsive, le film décline une belle combinaison de figures érotiques sur lesquelles plane en permanence le vertige d'un inceste fraternel. A cette époque, Joseph Sarno est encore cantonné au soft et, si l'on semble sentir des coupes à certains endroits, l'ensemble reste relativement gentil malgré une omniprésence de la nudité et des caresses. 
La plus grande frustration vient cependant du côté fantastique, le thème du vampirisme étant plus utilisé pour ce qu'il engendre de fascination, d'emprise et de possession entre les personnages que pour son aspect sanguinaire ou horrifique. Les scènes de morsure sont réduites à leur strict minimum et l'attaque d'une des victimes par les chauve-souris est un des moments les plus ridicules du film, la réalisation semblant réticente à montrer les bestioles pendant la majorité de la scène (ce qu'on comprend très bien lorsqu'elle font enfin leur apparition au bout d'un fil).

On reconnaîtra pourtant des qualités inhabituelles dans le cinéma d'exploitation, notamment esthétiques, le film bénéficiant de décors magnifiques (un château en Bavière dont on apprend dans les bonus qu'il appartenait au producteur et inspira donc le film) et d'une photo très au-dessus de la norme. Des intérieurs restituant la lumière des bougies, quelques séquences de poursuites nocturnes, et un même soin à rendre l'intensité des visages et des regards que les corps dénudés des belles actrices : c'est de l'exploit' soignée !
Malheureusement, les répétitions, redondances et l'influence caricaturale de Bergman, aussi bien au niveau du rythme que des plans à plusieurs personnages face caméra, finissent par ramollir la vaillance du spectateur... Un comble pour un film censé nous ragaillardir ! 
Alors, quand le montage ramène pour la quinzième fois les images des rites en sous-sol où une bande de hippies nues et peinturlurées dansent timidement sur du tam-tam minimaliste, on en finit par souhaiter un bain de sang. Comme le disait mieux que moi Jean-Claude Guiguet dans sa critique pour La Saison Cinématographique 75 "Toutes les séquences musicales dans les souterrains du château relèvent moins de l'orgie satanique que d'un méchoui au Club-Méditerrannée."
Le fameux "frontal à la Bergman"

Le même avec une autre

Une variante

La version de trois-quarts

La version "groupir"


Le DVD :
La copie d'origine est très bonne et la compression de bonne facture rend hommage à la belle photo de Steve Silverman. Côté son, si la qualité technique est a peu près équivalente dans les deux langues proposées, on préfèrera pour une fois la version française : dans la v.o., les actrices parlent anglais avec un accent allemand ou suédois qui frise parfois le ridicule. Et puis, le dialogue est plus explicatif et plus élaboré dans la version française, c'est d'ailleurs celui-ci dont s'inspire Artus Films pour le sous-titrages de la v.o.. 
L'éditeur, comme à l’accoutumée, confie son supplément à un spécialiste du genre, en l’occurrence  Emmanuel Lefauvre, connaisseur avisé en érotisme et exploitation, particulièrement calé sur le réalisateur (il a écrit de lui : "Insolence de Joe Sarno : pour ceux qui aiment le porno, il habille les gens, pour ceux qui ne l’aiment pas, il les déshabille."). Il évoque autour du film une histoire et un contexte qui aident à mieux cerner sa singularité et nous convaincraient presque de sa qualité...

  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire