vendredi 2 mars 2012

Populaire mais pointu !

La concurrence n'existant pas dans le monde merveilleux du fanzinat, il serait honteux de ne pas parler ici de nos précieux confrères activistes de Chéribibi, revue saisonnière dédiée aux cultures populaires, dont la lecture fait régaler le corps et l'esprit.
Le numéro 007, sorti déjà depuis quelques mois, persiste et signe dans la redécouverte d'objets culturels propres à réveiller nos cerveaux ramollis par la médiocrité ambiante. 
Au rayon cinéma, après d'édifiants articles sur le western Zappata (numéro 2) ou les kung-fu révolutionnaires (le 3), Chéribibi a entrepris une série de dossiers sur les femmes actives dans le cinéma populaire. Par "femme active", je n'entends pas les cheftaines d'entreprise en jupe et tailleur, mais une galerie de demoiselles en butte à la violence, l'autorité et la domination masculine qui décident que la coupe est pleine et prennent les armes, les devants, le pouvoir, etc.
Dans ce numéro 7, le dossier sur le "Rape and revenge", signé DPC, s'impose comme l'article le plus pertinent et l'un des plus complets qu'on ait lu sur ce sujet épineux. Complet et non pas exhaustif, ce qui s'avèrerait d'une part fastidieux et surtout indigeste : "... dans la préparation d'un dossier kung-fu ou western, bon je vois des daubes et c'est pénible, mais quand c'est de bon films c'est cool. Là aussi, un mauvais R&R est pénible à voir, mais par contre, un bon également." Car, comme le précise également DPC, le "Rape and revenge" qui consiste à raconter le parcours d'héroïnes qui prennent leur revanche après un viol, n'est pas un genre, mais bien une figure particulière du cinéma, qui irrigue plusieurs genres et plusieurs catégories de productions (allant de très douteux films d'exploitation à de très douteux films hollywoodiens). 
On voit très clairement tout ce que ce type d'histoires peut générer de complaisant, voire d'alibi lourdingue pour satisfaire le voyeurisme le plus odieux. Et c'est là que la qualité du dossier en impose : interrogeant très clairement le rôle que jouent dans ces films les femmes, la violence, la morale chrétienne ("oeil pour oeil") les clichés sociétaux (La victime ne l'a-t-elle pas cherché ? Le violeur n'a-t-il pas d'excuse ?) et les contraintes de production (Comment donner l'impression de défendre la cause des femmes tout en exploitant leur nudité), l'approche évite les simplifications douteuses qu'on trouve notamment sur certains forums. 
Le tri méticuleux qui s'opère sur 16 pages très denses permet ainsi d'y voir plus clair entre les films qui posent de réelles questions aux spectateurs et ceux qui alimentent ses fantasmes. On y croise pêle-mêle les fleurons du genre (de La Source de Bergman à Sweet Karma du Canadien Andrew T. Hunt, 2009, en passant par les incontournables Day of the Woman de Meir Zarchi ou L'Ange de la vengeance d'Abel Ferrara). Mais on y aborde aussi une flopée de titres méconnus qui montrent d'une part la pérennité archétypale de ce type de récits, mais aussi son évolution, ses dérives, ses curiosités et ses perles à réévaluer. 
Avec une grande vigilance sur les diverses orientations des scénarios et mises en scène de cette filmographie éprouvante, le dossier dépasse largement l'identification et le balayage d'une spécificité du cinéma pour élargir à une réflexion sur la représentation et plus simplement la place des femmes dans le cinéma..
On retrouve cette qualité de regard et cette curiosité tout au long de Chéribibi qui évoque avec la même gourmandise contagieuse la peinture (Clovis Trouille), la chanson paillarde jamaïcaine (?!) ou encore la littérature de gare (avec un article jubilatoire qui donne envie d'aller fouiner aux puces pour récolter toute la collection des TNT).

Et c'est comme ça depuis le premier numéro ! 

Chéribibi est disponible, entre autres, chez Sin'art
Sinon y'a le Chéribiblog.
  

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